L'histoire :
Une chose est sûre : le général de Gaulle est mort en 1968, pendant les évènements révolutionnaires qui enflammaient les rues de Paris. Dans le premier cas, c'est son hélicoptère qui s'est crashé sur la route de Baden-Baden. Dans le second, c'est un attentat qui l'a forcé à rebrousser chemin lorsque le convoi présidentiel voulait quitter l'Elysée, et l'a obligé a revenir au cœur des combats sanglants, où il a mystérieusement péri. Le mois de mai 1968 a débouché sur la mise en place d'un régime transitoire où Daniel Cohn Bendit fait partie d'un gouvernement d'union nationale, qui va organiser la vote d'une 6ème république par une assemblée constituante. Paris est devenue la ville phare d'une forme de créativité utopiste, où pourtant les vieilles recettes politicardes fonctionnent toujours. Surtout lorsque les acteurs d'un braquage spectaculaire refont surface cinq ans après la révolution. A moins que les manifestations du mois de mai aient débouché sur une guerre civile, l'arrivée des chars du général Massu dans les rues de la capitale, des tirs de roquette, et finalement l'explosion d'une bombe qui anéantit les troupes gaullistes aux portes de la ville. Dans cette seconde hypothèse, un journaliste américain débarque au milieu des troupes de l'ONU à la recherche d'un bien précieux que la war-zone de Paris aurait épargné.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
De manière fort opportune, l'éditeur réunit sous forme d'une intégrale les deux volumes de Jour J qui traitaient de 1968. Quelques pages de bonus nous rappellent les évènements et leur chronologie, un regard en arrière qui fait écho à la réalité actuelle, cinquante ans après un mouvement social qui mettait des millions de personnes en grève et dans les rues. Les deux évolutions possibles que Jean-Pierre Pécau et Fred Duval ont imaginé ne sont pas particulièrement optimistes. D'un côté, la prise de pouvoir par les révolutionnaires eux-mêmes semble reproduire les mêmes logiques politiciennes ; de l'autre, c'est une pure guerre civile entre factions d'extrême droite et d'extrême gauche radicale. Les auteurs ont choisi de se placer dans les années qui suivent la révolution, et de mettre en avant une intrigue toute autre qui permet, en creux, de décrire l'état dans lequel se trouve la capitale. Les personnages célèbres sont légion, de Chirac revenu d'Algérie à Monseigneur Lefèbvre, l'évêque ultra réactionnaire, en passant par des journalistes aux noms fameux. Mr Fab et Damien, dessinateurs de chacun des deux épisodes, font un boulot impeccablement efficace. Le premier a davantage l'occasion de s'exprimer dans un Paris qui n'est pas détruit, et où ont poussé des bâtiments aux architectures modernes. Cela dit, les deux histoires n'ont pas réellement de point commun, si ce n'est la disparition du chef de l'état. Et la structure même de leur intrigue, le lecteur découvrant page après page ce qui s'est passé dans cette réalité alternative. Avec le recul, après plus de 30 tomes parus et huit ans d'existence, elles illustrent très bien l'approche un peu barrée, mais cohérente, de cette série en mode "what if".