L'histoire :
Lorsque Christian Kozar et sa famille arrivent à Nouméa, ils ont tout juste le temps de s'installer avant que la situation se tende en Nouvelle Calédonie. Les Kanaks et le Front de Libération Nationale Kanak Socialiste boycottent les élections territoriales, mécontents du statut proposé par le ministère de l'Outremer. Des barrages de route se mettent en place et aggravent rapidement la situation. Christian part pour une réunion de crise au Haut-Commissariat, en présence du préfet Christian Blanc. Ce dernier lui confie une mission de protection des fermiers attaqués, perçus comme les ennemis de l'indépendance souhaitée par les rebelles. Mais la situation s'envenime très rapidement. Des embuscades armées sont tendues par les caldoches, les descendants des premiers colons français, tandis que des maisons sont pillées par des commandos kanaks en armes. Le gouvernement français va répondre de manière de plus en plus ferme aux émeutes, des meneurs sont abattus, provoquant encore plus de violence. Il faudra beaucoup d'habileté à Christian pour contribuer à un retour à la paix et aux élections de septembre 1985. Mais trois ans plus tard, une prise d'otages va faire vaciller le caillou, et le nouveau premier ministre Michel Rocard acceptera l'idée d'une mission de dialogue réunissant des hommes de toutes origines. Cette mission débouchera sur des accords qui feront date.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pierre Makyo et Jean-Edouard Grésy reviennent avec force détails et de nombreuses conversations mises en image sur un des moments les plus remarquables de l'Histoire de France pour ce qui concerne ses anciennes colonies. Les auteurs nous rappellent en postface comment les français sont arrivés à partir des années 1860 en Nouvelle Calédonie, et comment la spoliation des terres des habitants d'origine s'est organisée dans la pure tradition des colonies de peuplement ! Mais le cœur de l'album consiste à décrire comment les revendications des kanaks dans les années 1980 – un enchainement de violences entre habitants de l'île et des affrontements violents entre rebelles et forces de l'ordre – auraient pu condamner ce territoire. Le parcours de Christian dans un premier temps, puis celui des négociateurs quelques années plus tard, sont des exemples de la valeur du temps passé à reconnaître l'autre lorsqu'une cohabitation ne semble plus possible. On sait depuis, notamment avec les deux référendums récents sur l'autodétermination, et un troisième à venir, que les accords historiques dont nous voyons la genèse ici constituent une réussite remarquable de transition pour une ancienne colonie. La patte personnelle de Michel Rocard est mise en avant par les auteurs, mais aussi le rôle clé des négociateurs eux-mêmes, qui ont accepté de s'asseoir à la même table et de se parler. Pour accompagner ce reportage très intéressant, le dessinateur italien Luca Casalanguida déroule un style réaliste au trait rapide – on est dans la pure tradition du fumetti réaliste – mais très équilibré et crédible. Un job de commande assurément pour un artiste également présent dans le monde du comics, mais pas encore très connu chez nous. Une belle leçon d'Histoire récente qui mérite d'être racontée.