L'histoire :
Clovis est un père de famille traditionnel, menant une vie morne entre une femme très terre à terre et deux fils qui le méprisent et refusent toute autorité, le trouvant trop vieux à leurs yeux. Lorsqu'au cœur d'un après-midi routinier, il se décide à franchir la porte d'un musée, c'est la première fois depuis de très nombreuses années. Au cœur des grandes galeries d'Orsay, il tombe en arrêt devant L'Angélus, célébrissime tableau de Jean-François Millet représentant deux paysans recueillis en position de prière au milieu d'un champ. Une émotion d'une force soudaine le fait défaillir, l'obligeant à s'asseoir devant les visiteurs surpris. Lorsqu'il raconte ce moment incroyable à son épouse, un soir chez lui, il ne reçoit que des moqueries en échange de sa confession. Le parcours de Clovis va dès lors devenir une quête personnelle, à l'image de celle qu'a menée le peintre Salvador Dali, dont il découvre la passion pour ce même tableau. L'exubérant peintre espagnol a en effet décliné l'Angélus en plusieurs toiles très personnelles, modernes et fulgurantes, et lui a même consacré un livre dans les années 30. Dali était persuadé que derrière le recueillement du couple de paysans se cachait un secret plus profond. Clovis va lui aussi partir à la recherche de son secret caché, au cœur du tableau de Millet.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Franck Giroud a trouvé un partenaire de choix pour ce nouveau diptyque autour d'un secret de famille bien gardé. Le dessinateur catalan José Homs possède un style à mi chemin entre le semi-réalisme et le réalisme pur, à l'image de nombre de dessinateurs espagnols dont la technique sans faille impressionne. Il excelle dans les expressions des visages, rappelant parfois la précision d'un François Boucq, au point de ne laisser à aucun de ses personnages une neutralité d'expression. Ses pages sont dès lors denses et d'une certaine manière expressionnistes, surtout lorsque le choix des couleurs du second album traduit une forme de révélation chatoyante de la personnalité de Clovis. Cette intégrale présente l'avantage de permettre une lecture sans interruption, immergeant le lecteur dans le parcours d'un homme terne qui se révèle à lui-même et aux autres. Le scénario de Giroud est comme d'habitude bien structuré, même si le secret révélé ne renverse pas la table. On aurait également apprécié un peu plus de profondeur dans les dialogues, qui sont essentiellement utilitaires, faisant reposer l'intérêt de l'intrigue sur le secret en lui-même. C'est le but de cette série bien sûr, mais de la qualité des atmosphères créées par les scènes intimes, dépend souvent l'envie de relire un album.