L'histoire :
Charles Baudelaire est mort ! Sa mère s’occupe de tous les papiers et tâches administratives. Le plus gros souci reste le retour de cette diablesse de Jeanne Duval, la mulâtresse de son fils. Non contente de l’avoir torturé toute sa vie en lui prenant son argent, elle demande maintenant un droit sur l’héritage du poète ! A travers de belles lettres, elle explique qu’elle a inspiré les plus beaux poèmes de Baudelaire et qu’en tant que Muse, elle a droit à quelque chose ! Elle raconte également les débuts de la vie de son fils. Son fameux voyage en Mascareignes l’aura marqué à vie. Certains même pensent qu’ils se sont rencontrés là-bas, simplement parce que Jeanne a la peau noire. C’est ensuite l’effervescence : Charles rencontre de grands artistes et mène une vie de bohème au café Momus. Cafés concerts, longues discussions autour d’un verre d’absinthe ou délires dans les bordels... les hommes pouvaient s’encanailler tout en parlant ouvertement de poésie et de littérature ! La relation entre Jeanne et Charles a démarré rapidement et beaucoup ne la comprenaient pas. Plusieurs hommes de lettres critiquaient Jeanne, la trouvant tantôt trop grosse, trop étrangère, trop possessive ou trop opportuniste. Même Charles feignait l’indifférence et les réflexions misogynes devant ses amis. Pourtant, elle savait qu’il était profondément attaché à elle...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les cahiers Baudelaire, qui annoncent un futur album dédié au poète français, continuent dans cet avant-dernier fascicule grand-format. Le premier était un peu chiche en écriture et fil narratif. Ici, il n’en est rien. A travers une lettre (fictive) de Jeanne Duval, la maîtresse bien connue de Charles Baudelaire, c’est toute une période artistique qui se dévoile. Ainsi, Yslaire, le maître du romantisme et l’héritier de cette époque du XIXème siècle, raconte avec intelligence la vie de bohème du poète, ses rencontres marquantes avec d’autres auteurs et sa façon d’écrire et de créer, en lien, bien entendu, avec sa muse, Jeanne Duval. Il évite brillamment un déroulé morne et sans âme d’une biographie classique pour se laisser glisser dans des sensations et des émotions. Le récit se fait ainsi désordonné et vivant, à l’image de la vie furieuse et chaotique de Baudelaire. L’esprit du XIXème siècle et sa bouillonnante création sont superbement représentés avec des portraits de Gérard de Narval, Théophile Gauthier, mais aussi des représentations de tableaux célèbres, sans oublier des extraits marquants de certains poèmes du maître. Yslaire questionne avec intelligence le mythe Duval, en en faisant un chantre de la féminité et de la différence, elle qui a été malmenée, raillée pour son manque d’esprit ou pour sa couleur de peau. Ce cahier, c’est aussi une merveille pour les yeux, tout aussi sublime et renversant que certains poèmes de Baudelaire. Collant parfaitement au style crépusculaire et céleste à la fois des Fleurs du Mal, le graphisme est métaphorique, avec des planches d’une audace folle, qui jouent sur les sensations, les mélanges de tons et de couleurs... comme dans le poème Correspondances. Yslaire a réalisé l’impossible : faire revivre l’âme et l’œuvre de Baudelaire !