L'histoire :
Xavier, 35 ans, dirige une boîte d’effets spéciaux pour le cinéma. Il vit à 100 à l’heure, il impose des horaires de fous à ses associés pour décrocher des contrats juteux, il ne pense qu’à draguer, se délasser, jouir de la vie… et ne s’intéresse finalement qu’à sa petite personne. En somme : prétentieux, égoïste, cynique et immature. Par exemple, quand Natacha, une ex d’il y a 14 ans, il ne se rappelle plus de son nom, mais de son cul ! Et ce souvenir prometteur l’incite à accepter un dîner pour le soir même, au mépris de sa vie de couple avec Evelyne. Pourtant, au restaurant, c’est la douche froide : un foulard sur le crane, Natacha lui annonce qu’elle est malade, qu’elle va devoir être hospitalisée quelques temps, et qu’elle aimerait que durant cette période, ce soit lui, Xavier, qui s’occupe de son fils, Julien, âgé de 13 ans, étant donné que c’est aussi le sien ! Abasourdi, Xavier refuse, en rage d’apprendre sa paternité sur le tard. « Un fils » n’a jamais fait et ne fera jamais partie de son horizon. Quelques jours plus tard, c’est pourtant à lui que Julien téléphone : sa mère vient d’avoir un malaise chez elle. Elle est dans le coma, allongée sur le sol, il faut qu’il vienne, vite. Xavier tente une nouvelle fois de repousser le problème et finit par foncer à l’appartement de Natacha. Sur place, des ambulanciers embarquent la jeune femme. Il tombe alors des nues en faisant la connaissance de Julien : le gamin est atteint de progéria, une maladie qui le fait vieillir prématurément. Il a l’aspect d’un vieillard. Il n’en a plus que pour quelques semaines de vie. Il ne peut plus compter sur sa mère, très malade. Il aimerait connaître son père. Et il a peur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le talentueux scénariste Alcante aborde décidemment des registres bien distincts : après l’anticipation philosophique de Pandora Box, le polar aux frontière du paranormal de Jason Brice, voici à présent la tragédie contemporaine dans ce qu’elle a de plus poignant. Et en la matière, ouch… Sortez les kleenex ! Inspiré par un documentaire sur la maladie rare de la progéria (1 cas sur 8 millions), le scénariste a concocté une histoire à faire fondre le plus endurci des cœurs. C’est très habile : un égoïste handicapé des sentiments, insupportable d’immaturité, se découvre soudainement un fils, doté de traits physiques et mentaux radicalement opposés : son aspect est celui d’un vieillard et la maladie l’a rendu psychologiquement adulte. D’ailleurs, Alcante avait initialement baptisé cette histoire « L’enfant et son vieux » (devenez lequel est lequel). Evidemment, le récit est celui d’une prise de conscience (passage obligé) et moult raisons de bouleverser le lecteur, sans pathos. Pour traduire cette histoire poignante en dessin de la plus juste des manières, le scénariste a eu la bonne idée de « recruter » Fanny Montgermont. Toutes en couleurs directes, ses planches dégagent beaucoup de poésie et de tendresse, parfaitement adaptées au sujet. On a même le sentiment que depuis son diptyque Elle, l’artiste a encore fait progresser la finesse et le rendu de ses aquarelles. Une fois de plus, Alcante prouve qu’il privilégie la qualité à la quantité. On sort de ce one-shot avec l’envie décuplée de ne pas passer à côté de l’essentiel…