L'histoire :
A proximité de la ville de Cargill, aux Etats-Unis, une communauté vit en autarcie dans un hameau qui refuse de reconnaître une quelconque autorité extérieure. Les habitants se sont équipés de postes de surveillance. L'un d'entre eux, un ancien policier, a conservé son uniforme et représente les forces de l'ordre. Quiconque entre dans le petit village est aussitôt reconduit. Robert est le leader reconnu de cette communauté. Il vit seul depuis des années, sa femme l'ayant quitté depuis que leur fille a disparu alors qu'il s'était endormi au bord du lac. Le shérif de Cargill vient régulièrement à proximité du lieu, mais n'a jamais trouvé l'occasion de mobiliser les forces nécessaires pour mettre fin à cette occupation illégale. Un soir, pourtant, tout va changer avec l'arrivée d'une jeune femme qui sort épuisée des eaux du lac, tout près de la maison de Robert. Dans ses rêves embués d'alcool, il croit tout d'abord voir revenir sa fille... mais très vite, il la porte vers l'intérieur pour la réchauffer. Elle ne répond pas tout de suite à ses questions, quant à sa présence dans les eaux froides. Après une nuit de sommeil, ils semblent tous les deux aussi perdus. Mais très vite, le shérif du comté va se rappeler à eux. Il veut faire avouer à Robert que sa femme, qui l'a quitté sans prévenir, s'est réfugiée dans la communauté...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il faut un moment pour comprendre comment la tension va monter autour du petit village isolé et de sa galerie de personnages étranges. Matt Kindt propose un scénario à la fois très actuel et un peu hors du temps, où les personnages sont absolument centraux. Prévue en trois tomes, l'intrigue devrait prendre tout le temps nécessaire pour réserver des surprises de taille, sur le passé de chacun d'entre eux. L'arrivée de Maria est remarquablement mise en scène, les moments d'observation sont nombreux, et la violence surprend lorsqu'elle se déclenche de manière soudaine. Le dessinateur Jenkins Tyler fait le choix d'un trait rapide et parfois flou, ses personnages aux silhouettes flottantes se détachant souvent sur des lavis de couleurs pales très originaux. Un certain goût des postures et la fragilité de ses contours rappellent Jeff Jones, un illustrateur culte des années 70. Mais les influences du dessinateur sont multiples, et sa capacité à se relâcher ou à accentuer son trait est étonnante et plutôt osée. Il faut quelques pages pour s'habituer à ce style faussement rapide. Petit à petit, l'association des deux auteurs donne un résultat très prenant, à la fois sur le plan de la lecture pure et sur celui de la démarche artistique. GrassKings est un exemple parfait de ce peuvent offrir des auteurs qui ont fait leurs preuves dans les comics mainstream, mais qui réussissent dans un univers moins codé à développer des projets beaucoup plus personnels. Sans oublier, à l'américaine, d'accrocher le lecteur avec une grande maîtrise des atmosphères, des séquences et des transitions.