L'histoire :
En rentrant à Grasskings après être allé voir le shériff Humbert, Bruce provoque la colère de Robert, le chef incontesté de la communauté. Pourquoi a-t-il cru bon d'aller encore chercher à argumenter auprès de celui qui veut la destruction pure et simple du village autonome ? Mais en revenant sur les souvenirs de son enquête sur un meurtre étrange survenu quelques années plus tôt, Bruce convainc son frère de l'écouter. Il faut en savoir plus sur le rôle que certains habitants du village pourraient avoir joué dans les derniers jours de Mme Haendel, une jeune femme venue rejoindre le royaume pour y exercer son métier d'enseignante. Sa caravane avait mystérieusement brûlé, Humbert était venu enquêter mais n'avait pas pu établir de preuves. Il a cependant réussi à convaincre son ancien adjoint que Grasskings pourrait abriter des secrets que la plupart des habitants ignorent naïvement. Les deux hommes vont alors parler longuement avec les plus anciens habitants, et petit à petit les moments de vérité vont surgir. C'est une histoire différente qui se révèle, bien plus complexe qu'il y paraît, et bien moins idéale que l'idée originelle des fondateurs de Grasskings.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce deuxième volume est étonnamment construit, totalement occupé par l'enquête à laquelle se livrent des habitants de Grasskings autour du meurtre d'une jeune enseignante. Après la mise en place très innovante de l'univers de cette ville coupée du monde, on assiste à une sorte de plongeon très noir dans les secrets de la communauté. Chaque personnage, que l'on connaissait peu, dévoile des côtés sombres ou terriblement humains, et les a priori positifs que le lecteur pouvait avoir vacillent petit à petit. Matt Kindt prend le temps de transformer notre regard, avec cette lenteur savamment entretenue, ce suspense tendu que les comics américains savent exploiter sur la durée. Le dessin et les couleurs de Tyler Jenkins jouent un rôle énorme dans l'atmosphère de cette histoire, avec des silhouettes tordues, des décors fragiles, et des ambiances orange, mauve ou rose improbables. Même si on est un peu agacé du peu de choses qui se passent réellement dans ces plus de 100 pages, on ne peut que reconnaître la force narrative assez radicale du duo d'auteurs. Malgré cette manière énervante de faire durer, on admire les techniques très cinématographiques et un peu gratuites de rejouer les scènes sous des angles différents, démultipliant leur effet contre la volonté du lecteur. On est loin de l'efficacité millimétrée du format franco-belge, mais on se laisse prendre car, malgré tout, c'est très beau.