L'histoire :
1970. Pour avoir changé la chaîne de TV dans un bar miteux de New York, afin de diffuser un soap (ou une comédie dramatique ?) à la place du match souhaité par les clients du bar, Mammoth a généré une grosse bagarre. Celle-ci se poursuit dans les ruelles sordides alentours, lui contre tous… Mais sa forte corpulence fait tout de même bien des dégâts sur les abdomens et les mâchoires des belligérants. Mammoth termine tout de même dans un sale état. Cela dit, des coups, il en a connu d’autres. Dès le lendemain, un nouveau client se présente à son officine de détective privé. Mammoth est réputé pour être le meilleur. Pas une affaire ne lui échappe, il les résout toutes, dans des temps record. Avant de lui expliquer pourquoi il l’engage, William Carona, le client, aimerait savoir comment Mammoth s’y prend pour être aussi efficace. La tronche strillée de cicatrices, un bandeau sur le crâne et un œil au beurre-noir, Mammoth explique : il ne prend que les affaires très compliquées, uniquement celles qu’il pense ne pas réussir à résoudre. Sinon, il s’ennuie. Carona en vient à son affaire. Carona est très riche et il est prêt à payer n’importe quel prix pour que Mammoth le libère du poids d’un curieux maître-chanteur, à la veille de son départ en retraite. Ce maître-chanteur le menace de détruire sa réputation et réclame un million de dollars. Or Carona affirme avoir la conscience tranquille : selon lui cette menace est sans fondement. Il laisse à Mammoth une mystérieuse et anodine photo de lui, prise dans la rue…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Présenté comme un diptyque en devenir, Mister Mammoth détonne par l’association inédite et transatlantique de deux cadors du 9ème art. Côté américain, le scénariste Matt Kindt est multi-primé et réputé pour ses scénarios retors ; côté français, Jean-Denis Pendanx est un peintre virtuose du 9ème art. Ensemble, ils proposent un polar relativement traditionnel par les clés qui le composent : dans les seventies, un privé se cogne une enquête bizarre, qui agit comme un révélateur de ses propres démons de l’enfance. Or il ne fallait pas s’attendre à ce que Kindt se fonde dans le classicisme du polar. D’une part, le héros est hors norme de par son gabarit et sa psychologie : c’est un colosse taciturne, solitaire, monstrueux, anti violence mais prompt à jouer des poings, qui vit avec un terrible souvenir d’enfance. D’autre part, l’enquête pour laquelle on le missionne est bancale : pourquoi faire chanter quelqu’un qui n’a rien à cacher ? Comme souvent, le scénariste abandonne l’effort de la narration à l’imagination du lecteur, sans le tenir par la main. La fin de ce premier opus – qui se lit un peu rapidement – propose d’ailleurs une séquences un brin hermétique, posée là comme un énième morceau de puzzle, qui trouvera à former une trame cohérente par la suite. Du reste, l’ambiance énigmatique du New York des années 70 est admirablement rendue à travers le dessin de Pendanx. Ses cadrages décalés sur la carrure d’ogre de Mammoth, ses décors crasseux et désuets, son jeu de lumières sombres, baignées de dominantes glauques, ocres ou sanguines, saisissent à la perfection l’atmosphère poisseuse et pesante du polar noir. Pour l’heure, ce premier tome installe une ambiance, des personnages, leurs énigmatiques passés et une vraie intrigue. Il est urgent d’attendre le tome 2, déjà annoncé pour le mois de juin 2022, pour comprendre les répercussions et le propos.