L'histoire :
Tout commence par un homme qui prend plaisir à dessiner des personnages pendus au bout d'une corde, le matin sur la table de sa cuisine. Après les avoir soigneusement rangés dans une malle en bois, il enfile son uniforme de policier et monte dans le véhicule garé devant chez lui. Les deux jeunes filles qu'il va prendre en stop le long de la plage pour les ramener en ville seront ses premières victimes. Pas ce jour-là, mais le lendemain, lorsqu'en civil il va les retrouver devant le palais de justice et leur proposer de visiter un vieux fort abandonné. Nous somme en 1972, en Floride, et Gerard Schaeffer va de lui-même avouer avoir maltraité Nancy et Pamela Sue, qui ont été récupérées en pleine nature, terrorisées. Il sera condamné puis libéré sous caution. Plus de vingt ans plus tard, Jallieu le criminologue a rendez-vous avec lui dans la Florida State Prison, assis autour d'une table de la bibliothèque. Très vite Schaeffer parle des livres qu'il a écrits et qui racontent des meurtres qu'il prétend ne pas avoir commis. De sa fascination pour les exécutions capitales et la pendaison, qu'il dessine incessamment sur des feuilles qu'il conserve. Jallieu l'emmène sur le terrain de son enfance, mais Schaeffer revient sur les discussions qu'il a eues avec d'autres serial killers, et comment il se sentait fier de leur forme d'admiration pour lui. Il se déclare innocent tout en donnant sans cesse des preuves de son goût pour la violence. Mais son interlocuteur est très bien informé, et va le forcer à évoquer de nombreux meurtres qui lui sont attribués.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce troisième tueur en série, Jean David Morvan franchit un cap. Sur près de 140 pages, il orchestre pour nous une plongée dans la folie pure d'un criminel totalement inhumain. L'album commence par un des premiers actes de violence de Gerard Schaeffer, une mise en scène terriblement angoissante et, dès les premières cases, tous les éléments qui caractérisent cette pure fascination pour la souffrance. On est immédiatement pris à la gorge et obligés de se demander ce qui va arriver à ses victimes. Comme dans les deux tomes précédents, c'est l'entretien en prison avec Jallieu qui donne l'occasion de remettre en avant des propos réellement tenus par le criminel, face à un spécialiste qui tente de résister à la domination mentale qu'il subit. Tout dans le personnage de Schaeffer est terrifiant: son sourire permanent, sa capacité à plonger en un instant dans une froide et extrême violence, et cette manière de jouer avec sa propre réalité sans sembler avoir peur de la mort qui l'attend. Car le lecteur est lui aussi prisonnier de cette présence permanente de l'horreur, même si les auteurs ne la montrent jamais tout à fait. A la lecture de ce que le tueur a commis, on sent à quel point la société est désarmée, et on n'est pas surpris, voire même soulagés, par la conclusion de ce récit. Un album très puissant, mis en images de manière sobre et froide par un trio de dessinateurs qui alternent les styles et les trames graphiques. Un exercice délicat qui évite le voyeurisme en s'appuyant sur le travail des spécialistes et en mettant l'accent sur la folie du meurtrier. Morvan s'est très bien entouré pour réaliser un album très percutant, une sorte de polar noir américain ultime dans sa terrifiante réalité.
