L'histoire :
Dan est videur dans un bar de New York où viennent jouer des groupes de jazz, où des hommes viennent accompagnés, ou seuls, pour monter à l'étage voir des filles. Il aime ce boulot, au début parce qu'il lui permet de casser la gueule à des blancs prétentieux, lui dont la grand-mère était noire, mais que le métissage a rendu totalement blanc. Au bout de quelques années, pourtant, la lassitude l'emporte, malgré des cachets très confortables. Alors qu'il met fin à une situation complètement hors de contrôle dans les cabines des filles, il décide de ramener Muriel chez elle pour la protéger, interrompant le trajet pour une relation sexuelle débridée sur le siège arrière de la voiture. Arrivé chez lui, heureux de constater que sa femme est absente, il tombe pourtant sur son frère venu à l'improviste. Dan ne veut pas entendre parler de Richard qui a la peau noire, et dont il voudrait oublier les liens familiaux. Mais un inconnu vient le faire chanter, en menaçant de révéler à son patron ses véritables origines. Dan va alors entrer en contact avec les amies de Richard, et entrer dans une séquence où ses pulsions sexuelles prennent le dessus sur sa vie de père de famille. Une fuite en avant sans explication apparente, traversée de pulsions incontrôlées où la couleur de peau devient essentielle, et qui conduisent à l'irréparable.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Deuxième adaptation de Boris Vian pour Jean-David Morvan, et une vraie unité de ton dans la manière dont le scénariste de BD s'approprie l'univers d'un auteur culte pour les uns, imposteur pour les autres (Vian l'a initialement publié sous son pseudo de Vernon Sullivan). Dans ce nouveau polar, la violence est à nouveau omniprésente, avec cette dimension sexuelle et inter-raciale qui semblait être au cœur des préoccupation de l'auteur de J'irai cracher sur vos tombes. Le ton semble un peu décalé aujourd'hui, montrant sans dénoncer, et refusant en apparence toute morale. L'histoire de Dan a un côté révoltant, la manière dont elle est racontée un aspect complaisant, qui laisse le lecteur perplexe mais concerné. Car effectivement, si l'on s'attache au fond, si on se questionne sur l'absence totale de message, c'est bien parce que la forme est réussie, et c'est toute la force du travail de Morvan. Connu pour de nombreuses séries souvent accrocheuses, parfois interrompues avant leur conclusion, le scénariste a connu deux vies dans sa carrière. Après quelques années d'un éloignement presque complet, la dimension qu'il prend aujourd'hui ressemble à celle d'un grand cinéaste qui maîtrise la technique sur tous les plans, et dont on attend le regard sur les textes des autres. On le trouve aujourd'hui aussi bien derrière ces adaptations littéraires qu'à la manette pour construire la biographie de terrifiants serial-killers comme Michel Fourniret. Avec toujours cette faculté de choisir un axe narratif puissant, pour mieux s'effacer derrière. Les dessinateurs qui l'accompagnent déroulent un style acéré et nerveux qui rappelle l'américain Howard Chaïkin. Percutant, provoquant, et réservé aux lecteurs avertis.