L'histoire :
Le jeune Théodore Géricault n'a pas trente ans, mais ses recherches esthétiques le poussent à dépasser le classicisme de ses aînés. Admiratif des grands noms qui l'ont précédé, il poursuit néanmoins une quête de vérité sans précédent. Fasciné par les situations extrêmes, les expressions humaines non consensuelles, il s'intéresse de près à un fait d'actualité qui a marqué l'actualité de la France de Louis XVIII. En effet, un navire appelé la Méduse s'est lamentablement échoué au large de l'Afrique, condamnant les membres de son équipage à s'enfuir sur des radeaux. Un groupe de quinze hommes entrera dans l'histoire, seuls rescapés de l'incompétence du capitaine de Chaumarays, un protégé du ministre de la Marine. La condamnation très légère du responsable du naufrage choque l'opinion, et l'opposition politique veut utiliser le drame pour contester un pouvoir à la fois fragile et traversé de rivalité entre royalistes et ultras. Géricault a annoncé son tableau pour l'exposition du salon des Beaux Arts de l'année suivante, mais le pouvoir en place ne souhaite pas, à cette occasion, relancer la contestation. Il décide donc, via la préfecture de police, de manœuvrer pour discréditer le peintre avant qu'il ait conçu son œuvre. Pour cela, une très belle jeune femme franco-anglaise nommée Eleanor Barlow est chargée d'approcher l'artiste, et de mettre ses faiblesses au grand jour...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Frank Giroud aborde remarquablement cette biographie par une description spectaculaire du naufrage, portée par le trait très efficace et dynamique de Gilles Mezzomo. Le contexte de la réalisation du très célèbre Radeau de la Méduse n'est pas forcément connu, en particulier le fait qu'il résulte d'une incompétence notoire. Les rivalités politiques au sein de la toute récente Restauration de la monarchie sont également partie prenante du récit, qui met en scène un enjeu qui dépasse très largement l'ambition artistique de Géricault. Le lecteur découvre la personnalité du peintre à travers les yeux d'Eleanor, et plonge avec elle dans la folie du jeune homme. Ce dernier veut à tout prix représenter au plus juste les naufragés affaiblis, la souffrance sur leur visage, et la couleur de la peau des morts. Cette relation qui se développe au-delà de la mission de la jeune femme, et le déroulement du récit autour du peintre, mais sans en faire l'unique personnage, font de cet album un véritable feuilleton aux multiples intrigues. Le savoir-faire du scénariste est évident, l'aisance technique de Mezzomo fait le reste. Les croquis préparatoires de Géricault semblent plus vrais que nature, tandis que les couleurs de Céline Mabriet trouvent les nuances nécessaires pour représenter les débuts de l'immense toile en devenir. Une belle équipe d'auteurs, qui livre un des albums très réussis de cette collection consacrée aux grands peintres de l'Histoire.