L'histoire :
Un chevalier pourvu d’un œil unique touche au but de sa quête : un temple incrusté dans une montagne. A l’aide d’une torche, il y pénètre, parcourt un dédale de couloirs, d’escaliers et de pièges… et aboutit à une immense grotte au milieu de laquelle se trouve un cyclope géant attaché par le cou à une chaîne massive. A gauche du cyclope, sur un socle, se trouve l’épée fabuleuse, la relique que le guerrier est précisément venu quérir. Vif et intrépide, le petit chevalier traverse la salle en courant et passe entre les jambes du cyclope – ce qui ne manque pas d’énerver terriblement le monstre. Le chevalier empoigne l’épée… et se sauve aussitôt, devant la fureur du cyclope. Le géant est tellement énervé qu’il défonce littéralement le plafond de la grotte et renverse les braseros qui l’éclairaient, mettant le feu à tout l’édifice. Le chevalier a juste le temps de sortir, avant que tout ne s’effondre. Mais le géant est tellement mastoc qu’il pulvérise la montagne pour en sortir. Même pas mal. Cela fait, il prend un temps de circonspection. Le chevalier voleur est désormais loin... et le cyclope l’a d’ailleurs sans doute déjà oublié. Que faire de cette liberté qu’il vient d’acquérir ? Il erre donc à travers les roches, puis les bois, se nourrissant régulièrement de quelque gibier cru, qu’il cueille comme des baies sauvages. Puis il aperçoit le drapeau d’un château. Et il considère ce lieu comme un providentiel garde-manger. Il massacre partiellement son armée et ne fait qu’une ultime bouchée du roi. Il prend tout de même soin de récupérer sa minuscule couronne et de la placer sur sa propre tête…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En avril 2020, Stanilas Moussé avait fait fort avec son premier ouvrage, Longue Vie. Son style visuel en noir et blanc, novateur – des personnages en tout petit dans de grandes cases remplies par un décor dont les perspectives ont été aplanies, le tout réalisé via un encrage par petites touches fines – son univers d’heroïc-fantasy à la fois féerique et sanglant, sa narration muette mais explicite, en faisaient les principaux atouts. Il récidive ici selon la stricte même recette, en mettant en scène ce qui ressemble au Fils du roi que nous avions abandonné à la fin de Longue Vie. Cette fois, ce petit et preux chevalier cyclope libère un monstre monumental et tout aussi cyclopéen, qui a une tête en forme de fantôme schématique, et un grand appétit pour bouffer les hommes. L’amour et la providence sauront aider notre petit David dans sa quête homérique pour battre l’horrifique Goliath. Toujours linéaire et imbibé de fantasy, le scénario ne renouvelle ni le genre, ni cette manière originale d’art séquentiel que Moussé a lui-même définie. C’est en revanche toujours un plaisir de pousser l’œil à fureter à la recherche des détails, des scènes secondaires qui se trament dans les décors, façon Où est Charlie ?. Ces planches peuvent aussi être considérées de loin sous un angle impressionniste, et concourir à travers leur équilibre global dans la catégorie de l’art contemporain.
