L'histoire :
Un roi et une reine se promènent sur leurs terres, un royaume au sein duquel s’épanouissent d’innombrables espèces animales et végétales. Ils ont emmené en balade leur jeune fils, fiers qu’il soit plus tard l’héritier de ce merveilleux domaine. Effectivement, bien des années plus tard, le fils a bien grandi et il devenu un redoutable chasseur. A son tour, il a créé une famille, avec une femme d’une autre tribu. Ils habitent avec leur nouveau-né au sein d’une hutte isolé dans la forêt. A quelques lieux de là, le château est désormais contrôlé par la reine seule – la mère du chasseur – qui a bien vieilli. Elle assiste aux prouesses au tir à l’arc de son champion lors d’un entrainement au pied des murailles. Puis elle s’éloigne pour se reposer dans le vaste parc alentour. C’est alors qu’elle remarque une étrange petite grotte, dans laquelle semble luire deux yeux. Elle s’approche et… une entité démoniaque l’attaque subrepticement en jaillissant et en pénétrant par sa bouche ! La reine tombe inanimée quelques minutes. L’entité prend alors pleinement possession de son nouvel hôte et de ses connaissances. Elle identifie notamment le futur héritier du royaume, le petit-fils de la reine, et elle le prend pour cible. Lorsque le champion tente de venir soigner sa reine inanimée, il est aussitôt attaqué par l’entité, qui s’extrait de la bouche de la reine sous la forme d’un vomi sanguin répugnant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après Longue vie et Le fils du roi, Stanislas Moussé nous a désormais habitués à ses contes muets et à sa technique graphique étonnante, vaguement à mi-chemin entre le pointillisme et l’impressionnisme. Ses cases, souvent pleines pages, se remplissent de petits traits, de petits points, sans laisser la moindre zone inoccupée. De la végétation, de l’herbe, des rocailles, des milliers de petites lignes de fuite, ou cette fois des entrailles dégoulinantes et sanguines – mais toujours en noir et blanc – hantent les moindres recoins des pages de Mater. La narration reste muette, le décorum celui d’un royaume et les actes barbares. Il est toujours fortement question d’hérédité, de domination d’un royaume, de lutte contre un ennemi surpuissant, mais cette fois plutôt à travers le prisme maternel. On ne comprend pas toujours le sens métaphorique et symbolique que Moussé veut donner à la linéarité de son histoire… mais elle est assurément percluse de métaphores et de symboles, qui convoquent dans un savant chaos divers épisodes issus de différentes mythologies. Mythe de Sisyphe, arbre Ygsdrasil, cyclopes, harpies, géants, magiciennes, quêtes homériques se succèdent en une grande aventure de fantasy, aussi spectaculaire qu’ardue à décrypter. Mater est sans doute l’album le plus hermétique de Moussé, mais il demeure visuellement envoûtant, à quelques microns de l’art contemporain.