L'histoire :
Plongé dans ses souvenirs, appuyé sur les nombreuses pages blanches qu'il a couvertes de dessins aux quatre coins du monde, Georges Bess partage ses carnets de voyage à la première personne avec un ami qui le lira. De sa vie d'enfant en Afrique sous l'autorité d'un père sévère, à ses débuts de dessinateur de BD à Paris, il garde le souvenir d'une période de construction de sa propre personnalité. Parvenu à l'âge adulte, marqué par les images apportées par les routards des années 70, le jeune artiste décide de partir à la découverte des villes et des pays qui ont marqué une génération. Ses premiers pas en Inde se font en compagnie de sa Pia, une femme passionnée comme lui par cette culture différente. Beaucoup moins rêveuse et contemplatrice que le dessinateur, elle le tire régulièrement de ses pensées par des explications concrètes... et désespérément justes. La découverte de la culture tibétaine sera également cruciale pour Bess, l'occasion de voir se confronter l'histoire la plus complexe, les civilisations les plus étonnantes, avec les débuts du tourisme de masse. C'est donc un homme épris de paysages, de beautés naturelles et de rencontres, qui dépeint avec un certain recul la face cachée des paysages qu'il visite, partageant son enthousiasme pour les alentours de Dharamsala. Sur les plages de Candolim, il lui faudra patienter une heure et demie pour se faire servir un King Fish Masala très douteux. Dans le quartier de Paharganj à Delhi, il rencontre deux enfants des rues qui rêvent de Père Noël. Chaque épisode est l'occasion d'un fait marquant, profond ou anecdotique, qui reste gravé dans la mémoire visuelle de l'artiste.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet épais carnet de voyage est d'abord l'occasion de retrouver le trait fin et très « Moebiusien » d'un des meilleurs dessinateurs réalistes de la BD actuelle. Georges Bess est un virtuose qui croque avec une incroyable précision des scènes du bout du monde : un arbre énorme dans la cour d'un hôtel de Bombay, ou des pêcheurs qui accostent sur la plage de Candolim. Si quelques unes des pages qui composent ces souvenirs sont dessinées rapidement, la plupart des anecdotes racontées ici sont illustrées avec précision, dans un noir et blanc à la profondeur impeccable. D'une grande clarté, le dessin épuré de Bess retrouve sa qualité brute, classique et sans défaut. L'auteur choisit par ailleurs un ton détaché et léger pour revenir sur ces étapes marquantes de son existence, comme une forme de pudeur pour dissimuler l'émotion que portent certains épisodes qu'il choisit de partager. Les fans du dessinateur de Pema Ling ou du Vampire de Bénarès découvriront avec plaisir des expériences personnelles qui ont construit le goût de Bess pour les paysages indiens. On retrouvera très peu des aspects légèrement fumeux et contemplatifs de son premier album de souvenirs solo (Escondida), et c'est tant mieux. Incredible India est beaucoup plus lisible et carrément moins... planant. Parenthèse personnelle dans une carrière bien remplie, cet album est finalement comme un long entretien au cours duquel Georges Bess se raconterait, révélant ce qui le touche au fil de mésaventures enrichissantes pleines de souvenirs personnels. Quant aux pages de croquis en fin d'album, splendides et muettes, elles laisseront les amateurs bouche bée.
