L'histoire :
Après avoir fait du rentre-dedans à une femme dans un bar et passé finalement la nuit seule à taper à la machine, Patricia Higsmith gagne, tôt le matin, son bureau. Elle est convoquée par le rédacteur en chef du magazine de comics pour qui elle écrit des scénarios. Richard Hugues lui donne deux exemplaires de l'hebdo qui contient la série qu'elle a écrite. Le boss voit bien qu'elle ne manifeste aucune joie et il lui pose une question assez simple : aime-t-elle les comics ? La réponse est sans équivoque, puisqu'elle a l'impression d'écrire deux séries Z par jour. C'est le moment que Hugues choisit pour ouvrir un tiroir de son bureau, sortir deux verres et une bouteille de whisky et dire à la scénariste que les ventes sont mauvaises. Pas catastrophiques mais mauvaises. Et qu'en plus, les comics commencent à être dans la ligne de mire des moralistes, qui considèrent qu'ils corrompent l'âme des jeunes. Alors il ajoute qu'il pense qu'elle serait un excellent écrivain et qu'en attendant, elle mérite que son nom figure sur ses publications. Refus catégorique de Patricia, qui lâchera ce boulot dès que ses romans se vendront suffisamment...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme le souligne si bien Grace Ellis dans ses propos introductifs, Patricia Highsmith est une écrivaine qui a compté, et compte encore, dans la littérature moderne et en particulier dans le domaine du roman policier. En effet, elle a certainement inventé la figure narrative du héros dont on ne se pose pas la question de la culpabilité, dont on sait qu'il est le tueur. Et la question que se pose le lecteur est alors : va-t-il s'en sortir ? Patricia Highsmith a aussi signé le roman Carol, le seul qui échappe au genre « policier » et qui fut aussi une petite révolution à l'époque, puisqu'il s'agit d'une histoire d'amour entre deux femmes et dont la fin est heureuse. Car à l'époque des années 50, l'homosexualité ne pouvait pas être, pour la société conformiste et puritaine, une orientation acceptable. Et encore moins destiner les « déviants » au bonheur. Highsmith elle même suivit une thérapie de conversation, qui consiste à admettre que l'hétérosexualité est le mode de vie à choisir. Alors ce roman graphique nous replonge dans le contexte de l'époque. On y voit Highsmith détester son travail d'auteur de comics, qui était alors purement alimentaire et écrire L'inconnu du Nord Express, qui connut un énorme succès et fut adapté par Hitchcock, puis Carol. On la voit séduire des femmes, moucher des hommes, exprimer sa haine des Juifs aussi. C'est un portrait sans concession d'une femme au caractère bien trempé et à la grande détermination à réussir à s'imposer comme autrice, mais qui pouvait s'avérer imbuvable. Hannah Templer lui donne des traits assez doux, comme les graphismes un peu retro qu'elle choisit d'adopter et qui conviennent parfaitement à cette histoire. Si Patricia Highsmith pouvait sembler être tombée d'une autre planète, ici, sur vôtre PlanèteBD, on vous recommande chaudement ce livre !