L'histoire :
Sur son lit de mort, Claire Papineau demande à son frère Kenny, de s’occuper de son fils Lester. Agriculteur solitaire dans le conté canadien d’Essex, Kenny n’a pourtant pas la fibre paternelle, mais il ne peut refuser. Il assume donc tant bien que mal cette charge, bien que le dialogue avec son neveu ne soit guère aisé. La plupart du temps seul, tandis que Kenny travaille aux champs, Lester est un garçon amer et silencieux, enfermé dans son monde de super-héros. Il porte en permanence un masque et une cape et dessine des petits comics. Il noue cependant une curieuse amitié avec le pompiste du coin, le colosse Jimmy Lebeuf, un ancien joueur de hockey qui a du arrêter sa carrière suite à un mauvais coup, qui l’a rendu intellectuellement plus lent. Ensemble, ils jouent au hockey l’hiver ou combattent les invasions extraterrestres l’été. Bien des années auparavant, Vince et Lou, les aïeuls de Jimmy, étaient deux frères eux aussi joueurs de hockey. Inséparables, ils avaient fait progresser leur équipe jusqu’à gagner le championnat 1952 ! Aujourd’hui vieillard sénile, Lou se souvient par bribes des tragédies qui s’ensuivirent. Il y a eu Beth, avec qui Vince s’était marié… et puis un terrible accident de voiture…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Essex County met en scène des destins familiaux tourmentés, à travers plusieurs générations de fermiers d’une petite région agricole de l’Ontario, le conté d’Essex (nord est du Canada, de l’autre côté de Detroit, entre le lac Huron et le Lac Érié). Multi récompensé (et 2 fois nominé aux Eisner Awards !), cette histoire éditée en version française par Futuropolis recueille les 3 tomes de la série initiale et deux histoires courtes. La narration de Jeff Lemire emprunte la forme du récit chorale : dès la première page, on est pris par le mal-être et la douloureuse situation familiale du jeune Lester… On enchaîne sur celle de Jimmy, puis de Lou, son passé aux côtés de son frère, les hockeyeurs Lebeuf, les boxeurs Papineau… le tout sous la bienveillante supervision d’Anne Byrne-Quenneville, l’infirmière qui connaît la majorité des secrets, sur plusieurs générations. Le découpage en chapitre n’est guère limpide, mais peu importe : le récit entremêle les époques et les contextes sans véritable structure et sans perdre pour autant de sa limpidité. Au fur et à mesure de la lecture, on se met à comprendre les liens de parenté ou les souvenirs enfouis qui relient les différents protagonistes… et c’est aussi émouvant que palpitant. Le pavé a beau être très épais (près de 500 pages !), il s’ingurgite à toute vitesse. Le parti-pris du noir et blanc très contrasté, pour un rendu un peu rough qui colle 100% au registre du roman graphique (ou graphic-novel, comme on dit plus sûrement outre atlantique), est d’une belle régularité et convient parfaitement à la tonalité de cette saga touchante.