L'histoire :
Il va pas faire ça pour son dernier jour de boulot, la veille de se retraite ? Il va pas mettre en danger sa vie alors qu’il va pouvoir en profiter comme jamais, à se réveiller quand il veut, â sortir avec sa femme et manger des donuts devant la télé ? Non, il ne va pas commettre cette folie? C’est du moins ce que ne cesse de lui répéter son coéquipier Bob. Mais depuis le temps qu’ils bossent ensemble, il devrait le connaître. Hartigan est plutôt du genre tête de bois et quand il a une idée en tête, il ne la lâche plus. C’est peut être pour ça que Bob utilise tout ce qu’il peut faire pour l’en empêcher. Tout en tirant son pardessus, il tente d’utiliser les arguments les plus forts pour l’arrêter. On commence par l’idée que s’ils y vont, ils vont mettre en danger la vie de Bob et lui n’a rien demandé. Pas mal mais pas suffisant. Bob continue et lui parle de sa propre retraite dans quelques heures. Ce serait idiot de tout foutre en l’air alors qu’il suffit d’attendre les renforts ? Pas faux mais pas encore convaincant. Il touche alors la corde sensible et lui demande de penser à sa femme Eileen. Il ne peut pas la laisser veuve alors qu’il a presque fini le job. Bien joué cette fois mais cet argument provoque l’effet inverse. En pensant à sa femme, Hartigan pense aussi à la victime : Nancy Callahan, onze ans, séquestrée. Elle va être torturé par cette ordure de Junior Roark, le fils du sénateur, un sadique dangereux et pas seulement parce qu’il est protégé. S’ils attendent, l’enfoiré aura tout le temps de s’amuser et de déchiqueter la jeune fille puis de s’échapper tranquillement. Pour Nancy, onze ans, Hartigan va se battre et personne ne pourra l’en empêcher…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tome quatre de la réédition de la série à succès Sin City de Frank Miller. Une fois n’est pas coutume, l’auteur de Batman Dark Knight parvient à trouver une intrigue encore plus sordide et crasseuse que les précédentes. Pourtant, son héros est un policier intègre et honnête mais on le sait, quand un mec parfait tombe dans une histoire de Miller, il en prend plein la gueule ! Le côté chevalier servant d’Hartigan est à la fois sa force et sa faiblesse et rarement un héros aura autant souffert de sa bonté d’âme, jusqu’à en perdre la raison, jusqu’à en perdre la vie. On retombe dans les mêmes schémas que les tomes précédents : des rebondissements cruels, une ville qui piège et broie tout le monde, des crapules plus immondes que dans vos pires cauchemars. Mais ici, Miller rend un bel hommage à Clint Eastwood. D’abord par son personnage principal qui a tout de l’Inspecteur Harry. Puis par un récit mené comme un western avec des mecs armés de gros calibre qui vont passer leur temps à se faire vengeance eux-mêmes. On pourra parfois trouver quelques idées peu crédibles mais qu’importe. La caricature (tout comme celle de l’ignoble salopard en jaune) n’est là que pour renforcer le tragique d’un homme bon, étouffé petit à petit par un système dégueulasse. Ce piège infâme et inextricable prend des allures de symphonie macabre avec le dessin toujours plus beau et crépusculaire de Miller. Son noir et blanc gagne encore en spectaculaire avec parfois des grandes cases exceptionnelles comme la cage d’Hartigan ou le corps du héros en contre plongée façon statue grecque. Un noir et blanc comme vous n’en avez jamais vu, qui laisse peu de place à l’espoir et qui distille l’effroi dans le coeur. Reste la beauté hypnotique de… Nancy Callahan.