L'histoire :
Victor, un lycéen d’environ 17 ans, est de caractère plutôt timide. Etant donné qu’il est à l’aise avec les interfaces informatiques, ses camarades le considèrent à juste titre comme un geek introverti. Et les caïds le traitent comme leur bouc émissaire, en lui faisant subir moult brimades contre lesquelles il ne se révolte pas. Or en ce jour de rentrée, il se retrouve assis en classe à côté de la plus belle fille du bahut, Patricia Partzlaus, la fille du puissant patron de l’usine locale Venn, spécialisée dans les prothèses bioniques. Le temps d’un été, Patricia est devenue une « bombe », qui affole la gente masculine… et Victor en tombe immédiatement et éperdument amoureux. Son pote Gus a beau le prévenir que cette fille de riche n’est pas faite pour lui, qu’ils ne jouent pas dans la même cour… rien n’y fait, Victor est définitivement hameçonné. En attendant d’avoir un jour le courage de l’aborder, il passe ses loisirs à retaper des consoles des années 2000, qu’un « pote » revend ensuite en se faisant une marge honteuse. Mais en douce, sa maîtrise informatique lui permet d’accéder aux contenus du profil facebook® de Patricia, ses photos… et ses bavardages avec tous les caïds qui l’invitent à sortir avec eux. Victor renfrogne sa jalousie. Il trouve alors un moyen de se rapprocher de Patricia : en achetant un chat bionique à la boutique où elle est vendeuse. Mais alors même qu’il croyait avoir entrouvert la porte de son cœur, la belle se fait hautaine et fuyante… et c’est le moment où elle est victime d’un grave accident : elle est violemment percutée par une voiture. La voilà entre la vie et la mort, à l’hôpital, dans le coma et salement amochée. Elle reviendra cependant en classe 3 semaines plus tard, mais quelque peu différente. Des parties de son corps ont en effet été robotisées par les prothèses de Venn ! Elle est l’une des premières filles bioniques, une vitrine pour l’entreprise de son père…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’incursion de la science-fiction ou de l’anticipation dans notre quotidien sociétal a l’air d’être le dada de Koren Shadmi. En 2017, son Voyageur (déjà édité par Ici Même) avait connu un joli petit succès public et critique. Il récidive avec ce Bionique, comportant les mêmes ingrédients accrocheurs. Pour contexte, un léger futur d’anticipation, où les prothèses bioniques sont en train de changer la vie des handicapés, et où la médecine a grandement progressé sur le plan des délais de rétablissement. Pour héros, un jeune homme aussi timide qu’attachant s’éprend naïvement d’une (jolie) fille de riche, qui s’évertuera à rester odieuse avec lui. Particularité : la nana devient Bionique, suite à un accident. Une jambe, un bras et une partie de son crane sont robotisés, ce qui confine à la SF… mais ça s’arrête là. Car sur un dessin semi-réaliste simple mais régulier, tout le fond du récit se borne à une intrigue sentimentale compliquée, amenant le pauvre Victor à courir comme un couillon après un absolu d’amour impossible. En inclinant irrémédiablement vers la nocivité, le personnage de Patricia accroîtra inversement l’antipathie à son encontre. Je t’aime ; moi non plus ; je te re-aime ; je te méprise… Cette histoire se laisse tout de même suivre avec intérêt, en raison du patient jeu de séduction qu’on espère aboutir, et à un savoir-faire narratif efficient dans le registre des sentiments. Dommage que l’auteur israélien n’en profite pas pour étendre la réflexion aux aspects éthiques, à la place de l’homme augmenté, au transhumanisme, ou plus sommairement à une autre profondeur psychologique que le basique pétage de plomb d’une gamine gâtée. Tout juste, une force sur-dosée de la belle aborde, mais sans l’exploiter pleinement, le caractère super-héroïque de l’avantage bionique. La couverture façon Hasaf Hanuka donnait pourtant cet espoir…