L'histoire :
Le Mind Management n'est plus. Les agents, bien trop dangereux, se sont dispersés à travers le monde. Anonymes et souvent dormants, tous tentent de survivre avec leurs caractéristiques, parfois monstrueuses. Ce n'est pas le cas d'Ella, jeune fille sachant communiquer avec les animaux, qui s'est réfugiée au cœur d'une forêt, ne supportant pas l'utilisation de ceux-ci dans des missions sanguinaires, ou bien d’Anthers Kindle, magicienne pouvant altérer la réalité. Cette-dernière est recherchée par Meru, Lyme et leurs amis, souhaitant mettre un terme à l'organisation. Cependant, les anciens agents hésitent à se révéler, ayant été souvent trahis par le bureau. De son côté, l'effaceur, nouveau « gourou » autoproclamé, et ses hommes de mains aux méthodes expéditives, tendent un piège à Lyme, afin de l'éliminer et recréer le Mind management à leurs vues.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Qu'il n'est pas aisé de reprendre le fil du Mind management. Autant l'on découvrait dans le premier volume les personnages et l'intrigue, pas forcément fluide, autant les quatre premiers épisodes de celui-ci, procédant telle une sorte de « carte d'identité » – débriefing de la vie des principaux protagonistes depuis qu'ils ont été livrés à eux-mêmes – déstabilise quelque peu. D'autant plus que les destins se croisant et la mémoire de Meru s'étant ravivée, le lecteur revit certaines scènes « déjà vues », au long de pages aux mises en scène ciselées, procédant cela dit tel un dédale. Ce n'est qu'au moment du cinquième épisode, L'épouse modèle, que l'action se remet vraiment en place, le présent s'agitant alors que les matriochka dormantes entrent en scène. Dès lors, et même si le portrait d'Ella s'immisce à ce moment, tel une dernière parenthèse, les dés sont jetés. Un piège mortel se referme, placé par la magicienne au chapeau haut de forme, pour des raisons difficiles à digérer. Est-ce que Lyme, visé en priorité en sortira vivant ? Nous le saurons dans le dernier tome. Matt Kindt continue à dérouler un récit complexe mais passionnant, où sa thématique favorite de l'espionnage, abordée auparavant dans Du sang sur les mains (2013) puis ensuite dans Black Badge (2018) est traitée en profondeur, évoquant de manière presque subliminale des références aux grands auteurs du genre. Le ton est sérieux, adulte, angoissant même, mais rendu lisible par les magnifiques pages graphiques de l'auteur-dessinateur, parmi les plus remarquables de sa carrière. Dessins et couleur se mêlent pour le meilleur, dans un courant esthétique puissant, ressemblant à l'aquarelle, dans une fausse simplicité. La seule couverture, aux traces de pinceau noir amples et jetées, donne le La d’une œuvre électrochoc. Considéré comme son chef d'œuvre, on peut au moins le constater à ce niveau-là. La suite démêlera les nœuds scénaristiques, espérons-le, afin d'offrir le régal final attendu.