L'histoire :
David Smith fête son anniversaire seul dans une brasserie. Il a 26 ans. Il vient de perdre son emploi dans un fast-food et a fait une croix sur sa carrière de sculpteur qui avait si bien débuté il y a plusieurs années lorsqu'il avait été repéré par un gros investisseur. Alors qu'il enquille les verres, un homme s’assoit en face de lui. Il s'agit de son oncle Harry ! Alors qu'ils échangent quelques nouvelles, le vieil homme tend un comics à son neveu, celui qu'enfant il avait dessiné. Dedans, David s'est imaginé en "Super-Skulteur" qui avait la capacité de manipuler les matières avec ses mains. Persuadé de l'avoir jeté au feu, David est heureux de retrouver de tels souvenirs. La discussion se poursuit et très vite, David se rappelle que cela fait des années que son oncle est mort. La Mort a en fait pris les traits de Harry et offre au sculpteur un don, celui qu'il rêvait d'avoir enfant, mais au terme de 200 jours, il y laissera sa vie. Souhaitant donner sa vie pour son art, David accepte...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Connu des lecteurs pour sa trilogie théorique autour de la bande dessinée en bande dessinée, Scott McCloud est surtout un auteur de comics. Certes, peu prolifique ces dernières années, il a su prendre le temps de façonner un roman graphique ambitieux d'un peu moins de 500 pages avec Le Sculpteur. L'histoire mêle différents registres, de la chronique sociale à la romance, en passant par le fantastique. On suit un personnage en plein désespoir, David Smith, qui depuis son plus jeune âge rêve de devenir célèbre grâce à son art : la sculpture. S'il atteindra très jeune cet objectif, ses créations ne parviendront jamais à faire de lui un créateur populaire. De plus en plus pauvre, s'isolant progressivement, le héros voit sa vie basculer lorsqu'il croise un oncle décédé. Ce dernier lui propose un pacte : en échange du don de manipuler la matière avec les mains il ne lui restera plus que 200 jours. A travers ce pitch, Scott McCloud démontre son amour de l'art et la passion de celui-ci peut exiger. Les éléments fantastiques comme la présence de la Mort sous les traits de l'oncle Harry (un peu comme dans le film Rencontre avec Joe Black) sont peu nombreux mais enrichissent à chaque fois le récit en insufflant un rebondissement inattendu. Il est aussi étonnant de voir que l'auteur n'ayant que peu d’accroches avec le genre super-héros se sert de cette thématique à un moment précis, un peu comme le fait Dylan Horrocks par ailleurs. Outre cet aspect, la grande force de Scott McCloud est de nous captiver toujours un peu plus à mesure que l'on tourne les pages. Si dans un premier temps, on a l'impression que l'auteur se disperse, il n'en est rien. Chaque élément a son importance et participe à la construction psychologique de ce héros qui a tant de mal à faire certains choix. Sa relation avec Meg est profondément émouvante et vous marquera un peu plus une fois les dernières pages tournées. On suit leur rapprochement et leur difficulté avec attention et presque par moment avec une certaine pudeur. Dans la postface, Scott McCloud avoue sans mal qu'il y a de nombreuses choses ou personnages qui ont été tirés de sa propre vie, cela se ressent à moult reprises tant certains passages semblent vrais, dont cette histoire entre David et Meg. La narration de l'auteur a été extrêmement pensée et calculée, son découpage est toujours bien senti et le travail sur les dessins est assez incroyable. Chaque case bénéficie de détails dans les décors, de cadrages ingénieux, le tout avec un souci permanent de lisibilité. Le Sculpteur exorcise la pression qui entourait Scott McCloud depuis la fin de ses théories sur le médium et prouve qu'en plus d'être un formidable essayiste, l'auteur est aussi un formidable artiste. Sûrement le meilleur roman graphique depuis Asterios Polyp !