Quelques mois avant la sortie du premier album de Lost Sahara, nous avons eu le plaisir et la primeur d'en découvrir la quasi-intégralité. Ce manga réalisé par un jeune artiste français offrait un univers original, un dessin soigné ainsi que plein de promesses. Présent à Japan Expo pour teaser au maximum l'album avant la sortie, Alan Heller a gentiment accepté de répondre à nos questions !
interview Manga
Alan Heller
Bonjour Alan Heller, peux-tu te présenter ?
Alan Heller : Je m'appelle Alan Heller, j'ai 26 ans. Je n'ai aucune espèce de diplôme de je ne sais quelle école de dessin, je suis totalement autodidacte. Je dessine depuis que je suis tout petit, j'étais élevé au Club Dorothée. J'ai été bercé par ça. Puis il y a eu Game One et des animés comme Robotech. Là je me suis dit pourquoi pas moi. Je faisais des petits trucs dans mon coin, c'était nul mais je n'ai pas arrêté. Grâce à Internet, on publie ce que l'on fait, on se confronte aux autres. Ensuite, j'ai fait un peu de fanzines avec des amis de forum. On s'est décidé avant Japan Expo. Après, on s'est dit qu'on pourrait le faire plus sérieusement, qu'on pourrait gagner de l'argent avec. On a fait des dossiers, on a eu des refus, on retravaille, on fait d'autres projets. Au départ, je n'ai eu que des refus. À un moment, j'étais en discussion avec une éditrice de Delcourt mais ça ne s'est pas fait. Là, je me suis dit que je devais faire ma BD dans mon coin. Je la publiais sur Délitoon et j'envoyais les liens aux éditeurs pour leur montrer que ça avançait. Ankama m'a dit : « faudrait qu'on se parle ». Et voilà !
Lost Sahara, c'est quoi ?
Alan Heller : C'est l'histoire de John Big Cookie, un détective privé qui est immortel. Pendant sa dernière enquête, il a été modifié. Il a perdu tous les souvenirs de sa dernière semaine d'enquête et, chaque semaine, sa mémoire retombe à zéro. Il a un compteur sur le bras. Il est tout de même conscient puisqu'il n'oublie que les 7 derniers jours. Il sait qui il est, pour qui il travaille, qui est sa petite amie. Seulement, il est obligé de tout reprendre à zéro à chaque fois. Jusqu'au jour où son client l'appelle et demande à le voir. Il apprend qu'il doit récupérer un cube magique pour une sorcière, sauf que cette fois-ci, elle lui laisse une chance, mais il est mis en concurrence avec d'autres détectives. Donc ça va être un gros jeu d'argent dans un désert mortel, une course contre la montre pour aller retrouver la mémoire.
L'intrigue était-elle développée dès le départ ?
Alan Heller : J'avais une grosse idée de base, j'ai affiné au fur et à mesure. Quand il est question au début de mémoire et de timer, il y a des choses qui bloquent. Au début, Cookie oubliait tout. Cela me posait tellement de problèmes qu'il me fallait trouver autre chose. Au bout d'un moment, on trouve une formule qui marche bien.
Quelles étaient tes références ?
Alan Heller : Pour le timer, l'éditrice de Delcourt m'avait dit que cela faisait très Time Out (le film avec Justin Timberlake). Je l'ai vu mais je n'avais pas tilté. Je l'avais matérialisé parce qu'il fallait qu'il soit conscient du temps qu'il lui restait. Lost Sahara est un mélange de tout ce que j'aime. Il y a le cinéma des années 80-90 avec Indiana Jones, Die Hard, ce genre de choses, le manga et son dynamisme, Scott Pilgrim qui parle de jeux vidéo mais dont ce n'est pas le centre de l'histoire... Je voulais mettre tout ce que j'aime dans mon manga mais au service d'une histoire. Au début sur Internet, on me reprochait d'être trop référencé.
Tes personnages sont souvent des parodies de personnes connues. C'est la même chose pour John Big Cookie ?
Alan Heller : En fait, j'avais créé Cookie pour un autre manga que j'avais fait lors des 23 heures de la bande dessinée. Le thème était le robot le plus fort du monde. J'avais mis un perso avec un chapeau en arrière plan et je l'avais trouvé trop cool. J'ai décidé de le reprendre et de le retravailler. J'ai participé à cet événement 7 fois et j'y ai appris beaucoup.
Combien de tomes prévois-tu pour Lost Sahara ?
Alan Heller : Ce sera complet en 3 tomes. Il y aura d'autres cycles derrière mais j'ai l'intention de structurer un peu comme Jojo's Bizarre Adventures, chaque saison est un arc. Ce ne seront pas forcément les mêmes personnages, ils se croiseront.
Quelles sont tes références artistiques en général ?
Alan Heller : Il y a évidemment One Piece pour la profusion de détails et le design, l'esprit qui en ressort, ce que fait Yuko Osada avec Run Day Burst - je trouve dommage qu'il ne soit pas assez connu, Jojo's Bizarre Adventure pour ses retournements de situation et ses combats qui sont presque des oppositions intellectuelles sans l'être, et ce que fait Urasawa en terme de découpage. J'ai beaucoup aimé Pluto, et en ce moment je kiffe Billy Bat et toutes les références qu'il met dedans. Mes premiers amours sont St Seiya et Dragon Ball. J'ai découvert il y a peu de temps les comics avec Scott Pilgrim. C'est la meilleure BD de l'univers ! Je me suis mis à Hellboy sur lequel je lorgnais depuis longtemps. J'aime beaucoup Sin City aussi. J'essaie de piocher un peu partout, dans le cinéma, la BD classique...
Comment définis-tu ton style ?
Alan Heller : En devenir (rires).
Comment expliques-tu le succès de certains mangas réalisés par des auteurs français et espères-tu tirer ton épingle du jeu ?
Alan Heller : J'espère que les lecteurs verront ce que j'ai l'intention de faire au niveau du scénario. Je veux faire un manga qui contourne les codes de titres connus. J'essaie de digérer tous les codes pour en faire une œuvre sincère. C'est surtout centré sur les personnages et j'espère que c'est ce que l'on ressent à la lecture de Lost Sahara. J'ai la même démarche que celle de Tony Valente sur Radiant, de piocher des références françaises et les inclure dans mon récit. Le fait de lire du Mike Mignola me confirme dans ce que je veux faire artistiquement. C'est rassurant car je me dis qu'il y a un public pour tout, et peut être pour moi.
Si tu avais le pouvoir métaphysique de visiter le crâne d'un autre artiste pour en comprendre son génie ou son art, chez qui irais-tu ?
Alan Heller : Hirohiko Araki, pour savoir où il va chercher toutes ses idées, ses tactiques de combat, comment il fait pour se renouveler depuis 30 ans ? J'irai pour tout voir !
Merci Alan !