Art Jeeno est l’un des artistes les plus connus de la bande dessinée thaïlandaise. Né en 1987 à Chiang Mai dans le nord du pays, il a suivi des études aux Beaux-Arts à l’université de sa ville natale. Il commence à mettre ses dessins en ligne dans les années 2000 et rencontre rapidement un grand succès. Son premier livre, publié en 2011 chez Salmon Books, le principal éditeur de bandes dessinée en Thaïlande, sera suivi de neuf autres ouvrages, dont « Now », paru en 2013. Le dessinateur est très suivi sur son blog, Instagram et Facebook (150 000 abonnés), plusieurs expositions ont été consacrées à son travail et il a remporté de nombreux prix dont le Bronze Award aux International Manga Awards de 2014. Avec un tel palmarès, on ne pouvait pas passer à côté d’une rencontre lors de sa venue à Angoulême...
interview Manga
Art Jeeno
Bonjour, pouvez-vous présenter à nos lecteurs ?
Art Jeeno : Vous me connaissez en tant qu’Art Jeeno et je suis thaïlandais. J’ai 31 ans et cela fait 7 ans que je fais de la BD.
Art Jeeno : La technologie, c’est vraiment génial, cela permet de partager beaucoup de choses avec les autres. Je peux faire des références qui parlent aux gens. Dans le passé, quand j’étais jeune, je ne connaissais absolument personne car je n’avais pas Internet. J’allais à la bibliothèque et j’avais les vieux mangas, mais il n’y avait aucune BD étrangère.
Comment travaillez-vous ? Est-ce que passer au format papier a changé quelque chose ?
Art Jeeno : Je travaille au stylo et à l’aquarelle. Je n’utilise l’ordinateur que pour scanner. Mais l’aquarelle, c’est compliqué à scanner et je suis obligé de faire des retouches.
Now est un titre onirique complètement muet. Comment est née l’idée de ce projet ? Pourquoi avoir choisi de ne mettre aucun texte ?
Art Jeeno : En réalité, je me suis dit que j’allais poster une image tous les jours sur Instagram. Au bout de 10 planches, je me suis dit que je pouvais l’utiliser pour une exposition et cela a donné « Now ». Le livre s’est donc fait en ligne en 100 jours avec une image postée régulièrement. Le titre fait référence à l’instant présent avec la planche faite.
Art Jeeno : C’est à la fois mon histoire et celle de mes amis, mais j’y ai ajouté plus de divertissement. Tim est mon ami, et le personnage de Mon, c’est moi.
Les personnages qui sont un peu dans leur monde ou qui ne respectent pas les normes sont isolés, on essaye de les étouffer, c‘est un message d’alerte que vous lancez ?
Art Jeeno : Oui, ce n’est pas forcément bien ce que fait Tim. Il représente celui qui n’a pas froid aux yeux et qui se permet de faire tout ce qu’il veut, même s’il est au même rang que les autres. J’aurai voulu être comme ça avant. Mon est en réalité meilleur, je me retrouve plus en lui. Il est certes plus timide, mais aussi plus mature.
On voit un groupe jouer du Nirvana : vous avez choisi ce groupe pour le côté grunge et sauvage, ou bien par goût ? Vous travaillez en musique ?
Art Jeeno : J’ai commencé à écouter Nirvana en premier et, après, j’ai essayé de jouer de la guitare. J’avais 19 ans environ. J’avais fait de la guitare classique quand j’étais jeune, donc je savais déjà un peu en faire. C’est le genre de musique que j’aime. Je ne travaille plus en musique car j’écoute aussi beaucoup de choses : des talkshows, des humoristes...
Art Jeeno : Dans Juice, c’est Inio Asano (Solanin...). Il y a aussi Taiyô Matsumoto (Sunny...), mais c’est venu plus tard, j’ai utilisé sa technique à partir du tome 2. Et Takehiko Inoue (Slam dunk, Vagabond...), qui est comme un prof pour moi. J’utilise le même matériel, la même brosse. Pour Vagabond, Takehiko Inoue utilise un pinceau et l’encre de Chine, c’est ma référence.
Quand on a eu la chance de faire de nombreuses expositions (dont une à Paris) et de remporter des titres prestigieux à 30 ans à peine, quel effet cela fait ? Cela rajoute de la pression au travail ?
Art Jeeno : Je veux faire plus de BD, je veux en faire plein, mais je n’ai pas beaucoup de temps pour ça. Mais je n’ai pas de pression, je m’en fiche. Je pense juste au prochain titre, j’ai plein d’idées.
Art Jeeno : C’est une BD super bizarre : fantasy, science-fiction, mignonne, avec des chats. Je ne veux pas en dire plus, mais il y aura un monde avec des chats (j’adore les chats, j’en ai 3) et des gens bizarres.
Si vous pouviez rencontrer l'âme d'un autre artiste, qui choisiriez-vous et pourquoi ?
Art Jeeno : Kim Jung Gi, un artiste coréen il peut dessiner tout ce qu’il veut, tout ce qu’il voit. Je veux savoir ce qu’il a dans la tête, il est trop bon, il n’y a que lui qui peut faire ça avec une telle précision, il est excellent.
Merci !
Dessin original
Merci à Émilie Gleason pour la traduction et aux éditions Ça et là
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Juice, Young Blood ©2015 Banlue Publications
© 2019 Éditions Ça et là pour l’édition française