interview Bande dessinée

Maliki

©Ankama édition 2008

Depuis l’apparition du net, de nombreux artistes ont su trouver un moyen efficace pour être découvert. C’est le cas de Maliki qui, en publiant quotidiennement des strips à su attirer un éditeur, en plus de se faire une ribambelle de fans. Rencontrée dans les allées du Japan Expo, la timide Maliki a bien voulu répondre à nos questions tout en surveillant que son grouillot préféré s’attelait aux dédicaces des fans venus en nombre.

Réalisée en lien avec l'album Maliki T2
Lieu de l'interview : Japan expo

interview menée
par
17 juillet 2008

Bonjour, pour commencer, peux-tu rapidement nous présenter ta vie, ton œuvre, ton parcours jusqu'à Maliki ?
Maliki : Je suis partie d’un bac scientifique pour faire des études en communications. Je n’ai vraiment pas aimé le côté pub donc je suis partie à Paris faire du dessin. Après, j’ai étudié dans le multimédia aux Gobelins tout en publiant des strips sur le net qui attirait de plus en plus de visites. Puis Ankama m’a engagée comme dessinatrice avant de me publier en album.

Comment es-tu entré en contact avec Ankama ?
M : En fait, c’est Ankama qui est venu me trouver. A l’époque, j’avais un petit strip sur Dofus, après avoir joué un peu. Je ne sais pas comment ce strip est arrivé sous les yeux de Tot, le patron d’Ankama, mais il m’a proposé de les rejoindre.

Copyright Maliki/Souillon/Ankama 2008 Tu travailles donc à plein donc temps pour Ankama ?
M : Oui, je suis à plein temps graphiste chez Ankama, et le soir, la nuit et les weekends je travaille sur les strips et les albums.

Comment fais-tu pour garder le rythme ?
M : Beaucoup de cafés, de thés et de sucres !

Comment as-tu créé Maliki ?
M : En fait, je traînais depuis longtemps sur des coins de feuille ou des carnets de croquis et un jour je me suis dit que je méritais mieux que ça. A l’époque j’étais très fan de Gorillaz derrière lequel les musiciens s’effacent pour laisser la place aux personnages de dessin animé. Maintenant le secret est un peu éventé, mais à l’époque les spéculations allaient bon train. Je me suis dit qu’internet pouvait m’offrir cela. Souillon me donne donc un coup de main pour exister à travers mon webcomic, et comme je ne suis pas scénariste, j’ai choisi de m’inspirer de la vie réelle pour mes histoires.

As-tu envie un jour de quitter le strip pour te lancer dans une histoire plus longue avec Maliki ?
M : C’est en projet, j’ai commencé à en parler à mon éditeur qui a l’air chaud. Je pense faire d’abord le troisième tome et bosser en parallèle sur un one-shot en format BD plus traditionnel, avec une approche plus réaliste que dans mes strips actuels. Cela risque de brusquer les lecteurs habitués à la série mais on retrouve le même univers, les mêmes personnages, et on me verra sous un jour différent de ce que je veux bien vous montrer actuellement.

Le fait d’avoir commencé par publier Maliki sur internet t’a offert plus de liberté, mais qu’en est-il pour l’éditeur ?
M : De ce côté-là, c’est vrai que je fais ce que je veux ! Si je veux faire des strips de trois kilomètres de haut, ça n’est pas un problème. L’avantage du net c’est que j’ai eu un retour immédiat que cela soit bien ou pas. Côté album, mon éditeur me laisse également faire ce que je veux, c’est à moi de me débrouiller pour adapter ensuite le format strip au format papier.

En publiant gratuitement tes strips sur internet avant la sortie des albums, tu n’avais pas peur que les gens ne s’intéressent pas aux volumes reliés ?
M : En fait, je n’avais pas trop d’inquiétude à ce sujet, dans le sens où pour moi l’album était avant tout un recueil à destination des gens qui connaissaient déjà le site et souhaitaient en garder une trace sur papier. Le but n’était pas de faire de la vente. Mais de mon point de vue idéaliste, je me disais que si les gens aimaient les histoires sur mon site, alors ils achèteraient quand même le bouquin, par respect, ou pour le faire découvrir autour d’eux. Et c’est exactement ce qui se passe ! Je suis assez proche des lecteurs, et inversement, je ne me sens pas trop comme un auteur. C’est bon enfant, on m’apporte des petits cadeaux durant les dédicaces, des figurines peintes la main, des dessins.

Ton éditeur ne veut pas que tu gardes certains strips en exclusivités pour les tomes reliés ?
M : Non, Ankama ne me l’a jamais demandé. On me laisse faire ce que je veux. Et c’est vrai que je préfère qu’on puisse toujours accéder gratuitement à ce que je fais sans obligation d’achat pour avoir de l’inédit.

Les tomes comprennent en quelque sorte le meilleur des strips, il y a en même certains qui sont inédits pour certaines occasions, seront-ils regroupés un jour ?
M : Je ne pense pas, il y en a certains qui, à mon avis, ne passeraient pas car ils ne sont intéressants qu’à un moment précis. Dans l’album, ça paraitrait vraiment anecdotique. J’essaie de penser aussi aux personnes qui vont l’acheter et ne connaissent pas du tout le site, je ne veux pas qu’ils soient largués dans des private jokes.

Comment retravailles-tu des strips pour les adapter au format papier ?
M : Maintenant, je les travaille en pensant un minimum à l’adaptation au format album. Mais parfois je me lâche et je fais comme il me plait sur internet, tout en sachant que je serais obligé de retravailler tout ça plus tard pour l’adapter. Souvent pour l’album je vire certains passages, je ne garde que ce qui m’intéresse car certaines anecdotes ne sont pas essentielles.

Copyright Maliki/Souillon/Ankama 2008Parmi tes casquettes de graphiste, de dessinateur, laquelle préfères-tu ?
M : Celle de dessinatrice évidemment. Chez Ankama, je ne fais pas que du graphisme non plus, je fais aussi de la vidéo, des effets de sort, plein de chose sur le jeu, mais mon activité préférée reste le dessin.

Tu n’aurais pas envie de voir adapter Maliki en animé ? L’univers s’y porte bien….
M : Oui bien sûr. Je pense qu’il y a quelque chose à faire, je cherche encore un concept intéressant. Ma première idée serait d’adapter les strips dans un format court, à la Kaamelott. J’aime beaucoup cette série et j’avais envoyé le tome 1 à Alexandre Astier pour lui demander de m’écrire une préface pour le tome 2. Le pauvre, il doit en recevoir tous les jours des demandes bizarres comme ça. Il n’a pas répondu, mais je lui enverrais le tome 2, on verra bien ! En tout cas, j’aime beaucoup aussi ce qu’il a fait sur les BD Kaamelott.

Ton style varie beaucoup selon tes strips, passant du cartoon au réaliste, est-ce afin de ne pas te lasser ?
M : Je suis encore assez perméable à tous les styles que je peux voir, et je n’ai aucune envie de me figer, j’aime bien rester dans une optique d’apprentissage. C’est pour ça que l’ensemble change, et puis cela évite la routine.

En voyant Maliki, on ressent une certaine influence des mangas…
M : Pour moi, BD et mangas ça veut juste dire bande dessinée, en français et en japonais c’est la même chose. Comme je suis française, moi je fais de la BD. Les libraires ont du mal classer Maliki à cause de ses étiquettes tant et si bien qu’on la retrouve dans les deux rayons. Lorsque l’on m’a remis le prix Animeland de la meilleure BD française au style manga, j’étais assez partagée. A la fois contente et vexée !

As-tu d’autres projets hormis Maliki ?
M : Il y a toujours Mad, l’histoire avec la petite fille de Saton, mais j’ai encore du mal à me représenter ce que je veux en faire, j’ai les personnages, l’histoire, mais est-ce que je dois le faire comme Maliki sur un ton comique, plus sombre, un mélange des deux ?... Il me reste plein de choses à décider.

Question difficile, si Maliki devait choisir entre ses deux chats, lequel serait l’élu ?
M : C’est horrible comme question ! Je n’ai aucune réponse à donner, je garde les deux !

Quelles sont les BD que tu conseillerais aux terriens ?
M : Je suis assez difficile car il faut que le bouquin m’accroche immédiatement lorsque je feuillette une ou deux pages en librairie. Je ne suis vraiment pas patiente pour rechercher les perles rares. Dernièrement, il y a les Moomins que j’aime beaucoup, c’est poétique, philosophique et absurde et j’adore ! Jai bien aimé aussi Freaks’ squeele (sans vouloir faire de la pub gratuite pour mon éditeur !). C’est bien qu’un titre de ce genre sorte, c’est rafraichissant. Sinon, j’aime toujours autant Lewis Trondheim, Guy Delisle, ce roux de Boulet...

Si tu avais une gomme magique pour corriger un détail ou une partie d’un de tes livres, souhaiterais-tu l’utiliser ?
M : Si c’est sur le tome 1, je gomme tout sauf quelques scénarios! Le regret que j’ai sur le tome 2 est que j’aurais aimé plus de temps pour rajouter des petites choses et mieux replacer les strips dans leur contexte. Pour le prochain, j’essaierais de faire quelque chose de plus carré.

Si tu avais le pouvoir de te téléporter dans le crâne d’un autre auteur pour mieux le comprendre, qui irais-tu visiter ?
M : C’est dur, il y en a trop. Je crois que je choisirais Rumiko Takahashi pour voir comment elle arrive à rendre si absurde ses histoires, savoir si ce talent pour les trucs délirants c’est calculé ou si ça lui vient naturellement.

Si tu n’avais pas fait de la BD, que serais-tu devenu ?
M : Je crois que j’aurais été scientifique ou restaurateur. J’aime bien cuisiner et j’y ai encore pensé récemment, tout plaquer et ouvrir un restaurant !

Quelle est la question que l’on te pose le plus souvent ?
M : Pourquoi Souillon c’est pas une fille ? Pourquoi ne dédicaces-tu pas toi-même ?

Et tu réponds quoi ?
M : Pourquoi Trondheim n’a pas de bec ? Je suis en 2D, vous croyez que c’est facile, j’aimerais vous y voir !?

Et celle que l’on ne t’a jamais posée ?
M : Est-ce que des fois Maliki c’est sérieux ? Beaucoup de gens voient le côté humoristique, ils viennent sur le site pour rigoler un coup, le temps d’une petite pause au boulot. Mais des fois ce n’est pas trop drôle du tout. Et du coup des fois je ne comprends pas ce qui fait rire les gens dans certaines histoires. Jai l’impression de ne pas maîtriser, c’est perturbant ! Quand j’ai fait le strip sur le foot, au contraire ça n’était pas sérieux, mais j’ai eu des réactions très extrêmes. D’un côté on me traitait de sale nazi parce que je n’aimais pas le foot et de l’autre on me disait que j’avais raison et qu’il fallait tuer tous les supporters. Ce n’est pas ce que j’ai dit, j’ai juste dit : je n’aime pas le foot ! Finalement j’ai eu beaucoup moins de réactions quand j’ai représenté le pape en spectre malfaisant.

Merci Maliki !

Copyright Maliki/Souillon/Ankama 2008