Pour son premier album, Sylvain Bauduret nous a accordé une interview lors du festival Quai des Bulles à Saint-Malo. Il nous parle avec enthousiasme de ses premiers pas d'autodidacte, de sa passion pour la couleur directe, et bien entendu de Voltaire, d'Isaac Newton et de leur rencontre imaginaire !
interview Bande dessinée
Sylvain Bauduret
Bonjour Sylvain, peux-tu te présenter ?
Sylvain Bauduret : Je m'appelle Sylvain Bauduret, je suis un auteur autodidacte, je viens de publier mon premier album chez Delcourt qui s'appelle Voltaire et Newton. J'assure le dessin et la couleur, c'est une histoire qui va se dérouler en trois tomes.
Tu as un parcours tout jeune dans le métier, peux-tu nous raconter tes premières étapes ?
Sylvain Bauduret : En tant qu'autodidacte ça a été un travail à long terme. J'ai arpenté les festivals et j'ai montré mon travail et mes planches aux auteurs. Mon réseau s'est fait comme ça, j'ai commencé à connaître des gens, j'ai présenté beaucoup de projets qui n'ont pas abouti. Jusqu'à Voltaire et Newton que j ai proposé à Delcourt, un éditeur que j'avais déjà rencontré, du coup j'ai réussi à signer cette première série. Je ne suis pas du métier, j'ai fait des études de dessinateur industriel mais mon rêve était de publier un album un jour, et via ce travail de réseau avec mon carnet à dessins sous le bras finalement j'y suis arrivé.
Tes premiers travaux c'était quoi ?
Sylvain Bauduret : Ce projet est né dans un fanzine qu'on a fait avec des copains à Genève, dans la région du château où Voltaire a vécu. Le fanzine traitait l’œuvre de Voltaire à travers la BD, et là j'ai imaginé cette histoire complètement fantaisiste pour sortir un peu du projet purement historique. C'est comme ça que j'ai créé ces personnages avec des têtes d'animaux, et que j'ai eu envie de faire se rencontrer Voltaire et Newton, qui ne se sont jamais rencontrés en vrai. Je suis parti sur une uchronie fantaisiste un peu délirante, et comme tout le monde m'en disait du bien, j'ai décidé de le proposer à des éditeurs.
Tu as un co-scénariste qui s'appelle Mitch
Sylvain Bauduret : Mitch est un copain, on se connaît depuis des années, c'est lui qui m'a encouragé puis convaincu de proposer ce projet à des éditeurs. Delcourt a tout de suite été intéressé, et a proposé une trilogie. Et comme j'ai un processus de création un peu lent, je travaille en couleurs directes à l'aquarelle, j'ai eu envie de déléguer le scenario pour me laisser le temps nécessaire. Je me suis tourné tout naturellement vers lui parce que je sais qu'il a une passion pour la littérature et la BD. On travaille à quatre mains en fait, mais il a une vraie liberté créative, et en pratique on valide aussi tout ce qu'il propose.
On découvre dans l'album une invention de Newton qui s'appelle le Forslo, tu peux nous en dire un peu plus ?
Sylvain Bauduret : Le Forslo en fait c'est un vaisseau, et là je me suis appuyé sur ma formation scientifique, quand il s'agissait de concrétiser cette idée j'ai utilisé tout ce qu'on sait du travail de Newton, et tout le vaisseau repose sur des théories universelles qu'il a découvertes. D'ailleurs le nom du vaisseau c'est la traduction phonétique de The Fourth Law, la quatrième loi. J'ai imaginé que Newton n'avait pas découvert que trois lois essentielles pour la physique moderne, mais une quatrième, en quelque sorte l'œuvre ultime de va vie. Elle va permettre aux personnages de partir dans une aventure extraordinaire.
A un moment donné on change d'univers pour passer dans un monde imaginaire de joutes verbales, tu vas continuer à t'appuyer sur Voltaire avec des références ou bien ça va se lâcher ?
Sylvain Bauduret : Alors en fait compte tenu que Delcourt nous a proposé trois tomes et qu'on avait trois personnages principaux, on a tout de suite décidé qu'on allait développer chacun des personnages dans chaque tome. On a commencé par Voltaire parce qu'il est le plus populaire, et que c'est celui que Mitch maîtrise le mieux, il s'est fait plaisir sur l'aspect philosophique et oratoire. Du coup je n'ai pu que le laisser faire tellement il maîtrisait le sujet. C'était notre volonté, ce premier tome axé sur Voltaire, les deux suivants sur les autres personnages
Et du coup pourquoi le choix des personnages à têtes d'animaux ?
Sylvain Bauduret : Déjà pour casser le côté historique, pour confirmer que ça n'est pas une série historique du tout, donc pour annoncer le propos d'entrée de jeu. Et puis graphiquement j'avais envie de me frotter à ça, le côté anthropomorphique. En plus et sans spoiler, les têtes de chaque animal ont une vraie raison d'être avec la suite de l'histoire. Ce travail sur leur apparence, je ne voulais pas que ça soit trop évident. Par exemple, Voltaire, lorsqu'il est arrivé à Ferney-Voltaire pour faire construire son château, il a fait assécher les marais pour que le village s'étende jusqu'à la frontière suisse. Et l'animal le plus emblématique des marais, c'est le héron. En plus il y avait le côté long bec, l'idée d'éloquence, donc Voltaire ici est un héron. Newton en cocker anglais c'est en référence aux portraits de lui en rouflaquettes qu'on a vus sur les tableaux d'époque, et puis bien entendu le fait qu'il est britannique. Le troisième personnage, Miss Barton, est la nièce de Newton, c'est grâce à elle que Voltaire s'est intéressé aux travaux de Newton. C'est donc grâce à elle que ces travaux ont été connus en France, avec toute l'avancée physique et scientifique qui en découle. On pense même que la fameuse anecdote de la pomme qui tombe sur la tête de Newton a été racontée par Miss Barton. Elle, c'est un cobra, un personnage féminin très fort, avec un côté envoûtant, voire un aspect badass, comme le personnage tel qu'on le voit dans ses écrits.
Et donc, on en parlait tout à l'heure, tu as choisi la couleur directe ?
Sylvain Bauduret :Ah oui, pour moi c'est une volonté depuis toujours, j'ai toujours pris plaisir à faire ça. En plus le côté coloré soutient l'aspect fantaisiste du projet. Et comme Delcourt était content de retrouver un projet avec cette dimension graphique, je ne me suis pas gêné.
Du coup c'est quoi le public qui a plongé là dedans ?
Sylvain Bauduret : Le public est assez étonné. On s'est clairement amusés avec la petite trahison des personnages de Voltaire et Newton, du coup on a les réactions de ceux qui adhèrent carrément, et d'autres moins. Mais en tout cas la surprise est la réaction qu'on a le plus souvent, et c'est bien, parce que ça montre qu'on sort des clous de ce qui a pu se faire sur ce type de personnage. Le retours sont bons !
Du coup, avec deux autres albums prévus, tu es complètement booké par ça ou tu as en tête d'autres projets ?
Sylvain Bauduret : Non je vais réfléchir à d'autres choses. Là j'ai axé mon dessin vers un style plus jeunesse, pour soulager un peu le côté verbal dans le premier album. Donc naturellement mon trait se tourne vers quelque chose de plus jeune, mais à long terme je changerai de style et j'essaierai de prouver que je peux faire autre chose
Dernière question, traditionnelle sur Planetebd, si tu pouvais te plonger dans le crane d'un auteur pour découvrir ses secrets, tu choisirais qui ?
Sylvain Bauduret : Ce serait mon mentor, Sylvain Vallée. On a souvent des échanges professionnels, et amicaux. Je lui dois beaucoup, il a une vision du métier à laquelle j'adhère complètement. J'aimerais avoir son raisonnement et sa capacité à gérer sa carrière
Merci beaucoup Sylvain, et bonne chance à Voltaire et Newton !