Lors du dernier Salon Livre Paris, nous avons eu l’occasion de rencontrer Taro Samoyed, dont le premier manga Artiste - Un chef d’exception qui vient d’être lancé en France relate le parcours d’un cuisinier dans le milieu de la gastronomie française. Loin de titres loufoques comme Toriko, Food wars ou Yakitate Ja-pan !!, il s’agit là d’une histoire qui se veut réaliste, et parle plus du monde de la cuisine et de ceux qui la pratiquent, que de la cuisine en elle-même.
interview Manga
Taro Samoyed
Comment êtes-vous devenue mangaka ?
Taro Samoyed : J'étais dans une école d'art où je faisais des études de décors de théâtre et de cinéma. Ensuite, j'ai intégré une société de jeu vidéo en tant que designer d'interface utilisateur. Pendant ce temps-là je dessinais des mangas en amateur. J'ai été repérée par un éditeur et j'ai fait mes débuts comme mangaka.
Taro Samoyed : J'ai eu un cursus complètement inhabituel parce que je réalisais moi-même des prototypes d'Artiste sur Internet que je publiais moi-même. C'est à ce moment-là que plusieurs éditeurs sont venus à moi pour me proposer de publier mon manga. Donc, c'est le manga que je dessinais pour moi qui a été publié de manière professionnelle. C'est la forme la plus heureuse pour un mangaka de débuter sa carrière.
Comment est née l'idée d'Artiste ?
Taro Samoyed : Lorsque j'étais dans mon école d'art et aussi dans mon travail à la société de jeu, j'ai côtoyé énormément d'artistes, de créatifs que je trouvais très intéressants. Je voulais créer un manga sur eux, sur des artistes. Les peintres et les musiciens sont très difficiles à représenter en manga, alors qu'avec un chef cuisinier, en termes d'illustration et de scénario, il y a énormément de possibilités.
Votre manga est très précis sur tout ce qui concerne la cuisine et son univers. Comment vous êtes-vous renseignée ?
Taro Samoyed : Je me suis basée sur tous les films et documentaires qui existent sur les chefs, le travail en cuisine, surtout la cuisine française. J'ai aussi lu les livres des chefs de cuisine japonais qui font de la cuisine française au Japon. Ils se sont tous entraînés en France et racontent leur expérience et leurs années en France.
Taro Samoyed : Quand j'ai commencé à dessiner Artiste, je l'ai fait à destination de jeunes femmes japonaises comme moi, qui, au final, ne connaissent rien à la cuisine française. C'est une cuisine trop luxueuse pour elles et un peu trop haut de gamme pour qu'elles puissent y avoir goûté ou qu'elles puissent connaitre ce qui se cache derrière et comment c'est fait. Quand j'ai cherché à savoir comment cela était fait, j'ai trouvé cela très intéressant, la façon dont s'organisait la cuisine, les différents rôles qu'avait chaque personne. C'est cela que je voulais partager.
Vous semblez bien connaître les modes de préparation. Vous êtes-vous entraînée ? Etes-vous allée dans des restaurants français ?
Taro Samoyed : Je n'ai pas vraiment pratiqué moi-même, je ne suis pas assez bonne cuisinière pour ça, et ne suis pas allée poser des questions aux chefs, mais j'ai acheté énormément de livres de recettes. De ceux pour les nuls jusqu'aux livres de grands chefs, dont les recettes étaient impossibles à réaliser. Je me suis basée dessus pour faire mon manga.
Êtes-vous allée manger dans des restaurants français au Japon ?
Taro Samoyed : Je suis allée manger dans des restaurants français au Japon, mais je suis consciente qu'il y a un fossé entre la cuisine française telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui au Japon et celle pratiquée en France. J'ai dessiné en fonction de mes connaissances et de ce que je goûtais en me disant que j'allais peut-être faire des erreurs dues à ce fossé entre les deux pays.
Taro Samoyed : Je suis arrivée hier (à Paris pour le Salon du livre, NDLR) et j'ai diné dans un restaurant français. J'ai eu un plat d'asperges avec des petits pois verts et j'ai redécouvert l'asperge et les petits pois. Je ne les avais jamais mangés de cette façon-là au Japon. C'était très très bon.
Vous semblez très bien connaître Paris. Comment cela se fait-il ?
Taro Samoyed : J'ai fait un voyage de neuf jours à Paris quand j'étais en troisième année de fac. En arrivant, j'ai pris le RER B. J'ai eu le malheur de perdre mon billet et à la sortie il n'y avait personne. J'étais en train de paniquer quand j'ai vu des gens arriver et sauter facilement par-dessus la porte automatique. Je me suis dit « quelle liberté dans ce pays ! ».
Marco, le 2e personnage principal, quitte l'histoire au 2/3 du volume. C'est assez inhabituel. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Taro Samoyed : Quand j'ai fait Marco, je voulais en faire quelqu'un de très différent de Gilbert, qui n'était pas tout le temps en cuisine avec lui, quelqu'un qui ne reste pas toujours à côte le lui. Dans les mangas, généralement, il y a des amis ou meilleurs amis qui sont très proches, et je ne voulais pas en faire l'ami qui est toujours là, toujours présent, mais plutôt l'ami qui arrive quand on a vraiment besoin de lui.
Taro Samoyed : Quand je publiais moi-même les chapitres d'Artiste en ligne, je faisais tout au crayon à papier. C'est au moment de la publication professionnelle que je me suis dit qu'il allait falloir que je fasse de l'encrage. C'est la première fois que j'ai encré un manga. J'ai déjà essayé le digital pur, de tout travailler en numérique, et je me suis dit que sur mon trait et la façon de je voulais travailler Artiste, ça ne correspondait pas. J'ai besoin d'un encrage manuel et traditionnel. Donc, je commence à faire mon rough sur ordinateur, ensuite je fais l'encrage en traditionnel avec la plume et par la suite je scanne et je finalise sur ordinateur.
Si vous pouviez pénétrez l'âme d'un autre artiste, qui choisiriez-vous ?
Taro Samoyed : Ce serait Osamu Tezuka parce que c'est quelqu'un qui était très intelligent, médecin de formation, mais comme il dessinait très bien, il est devenu mangaka. C'est l'une des seules personnes à avoir réalisé son propre animé tout en faisant plusieurs mangas en même temps. J'aimerais savoir comment il organisait son planning pour tout faire.
Merci !
Merci aux éditions Glénat et notamment à Satoko Inaba pour la traduction, ainsi qu’à Fanny Blanchard.
Merci à Laetitia De Germon pour la retranscription.
Toutes les illustrations de l'article sont tous droits réservés par leurs auteurs et éditeurs respectifs.
ARTISTE © Taro Samoyed 2016 / Shinchosha Publishing Co.