Tetsuya Tsutsui est de retour, cette fois encore avec un thriller, Noise, dont l’action se déroule dans la campagne japonaise où un ancien meurtrier va venir troubler la tranquillité des habitants, jusqu’à ce qu’un drame se produise... Nous sommes allés à sa rencontre pour qu’il nous parle de sa nouvelle œuvre.
interview Manga
Tetsuya Tsutsui
Dans Noise, l’un des sujets que vous abordez est en premier lieu la désertification des campagnes. C’est un sujet qui vous tient particulièrement à cœur ?
Testuya Tsutsui : La concentration de la population à Tokyo, alors que nous avons des villages à côté complètement désertés, est un vrai problème national au Japon. J'ai utilisé ce problème comme background pour mon histoire en y ajoutant ce jeune héros qui essaie de faire de son mieux pour faire revivre son village. Sa vie va être complètement chamboulée par l'arrivée d'un élément perturbateur extérieur.
Est-ce que vous avez fait cette histoire pour faire prendre conscience de cette désertification aux lecteurs ou est-ce juste un décor sans message particulier ?
Testuya Tsutsui : Je n'avais pas vraiment la volonté d'en faire un thème propre de mon œuvre, mais c'est un moyen idéal de mettre en scène une communauté fermée à l'intérieur de laquelle se répand cette vague de peur évoquée par l'introduction d'un élément extérieur. C'était pratique d'utiliser le thème de la désertification.
Testuya Tsutsui : Je me suis intéressé au sujet parce que j'ai vu un documentaire qui expliquait à quel point c'était difficile pour les anciens prisonniers de trouver un travail. Il y a vraiment d'énormes difficultés de réinsertion. Ils se retrouvent à faire des travaux illégaux. Il y a un problème de structure de société qui fait qu'ils ne peuvent pas prendre un nouveau départ. Pourtant, il y a bien un système de garant, il y a même d'anciens policiers qui sont garants. Ces problèmes posent beaucoup de questions sur la façon dont on réintègre ces anciens taulards. J'ai voulu mettre en scène ces anciens prisonniers qui se retrouvent en liberté et qui arrivent dans un endroit où ils ne sont pas acceptés.
Vous dites que l’histoire vous a été inspirée par un fait divers de 2016. Quel était ce fait divers ? Pourquoi vous a-t-il marqué au point de vous inspirer pour en faire une histoire ?
Testuya Tsutsui : Dans le cas de Noise, c'est cette idol qui s'est faite attaquée par l’un de ses fans devenu fou qui m'a inspirée l'histoire de départ. Ce fait divers a eu un gros impact parce que les stalkers qui s'attaquent à des filles ne sont pas si rare que ça mais, dans ce cas précis, il a choisi de la balafrer, de s'attaquer à son visage, et même si on déteste quelqu'un, poignarder une personne au visage c'est tellement impensable que ça m'a vraiment impressionné. Par contre, il ne l'a pas tuée, donc il sortira un jour de prison. Il y a une vraie question qui se pose : que peut faire la société face à ce genre de situation et de criminel ?
Testuya Tsutsui : Je suis allé chez un producteur de figues pour prendre des photos de son exploitation. J'ai aussi pris beaucoup de photos de paysages champêtres de la préfecture d’Aichi. J'ai lu avec grand intérêt un roman qui décrit avec précision le travail des policiers et je me suis battu pour prendre quelques clichés dans un commissariat. Cela n'a pas été simple parce que les policiers sont très réticents à ce qu'on les prenne en photo, tout comme leur matériel, parce que ce serait un souci pour eux en cas d'imitation.
Pourquoi avoir choisi les figues ? C’est votre fruit préféré ?
Testuya Tsutsui : Quand on regarde des figues de près c'est assez gore, voire inquiétant, même si c'est un fruit que je trouve très beau. C'est cet élément que j'ai pris en compte, mais également la façon dont elles sont pollinisées. C'est assez fascinant puisque les figues doivent avaler les abeilles qui viennent chercher leur pollen pour finaliser le processus. Donc, on a cette image d'un élément extérieur qui se fait avaler par un organisme et qui symbolise bien pour moi le concept de Noise.
Testuya Tsutsui : Le concept est qu’un élément perturbateur s'introduit dans un paysage tranquille. Ce n'est pas facile de le définir visuellement contrairement à Manhole où le concept visuel était assez clair. Donc, j'ai choisi ce titre parce que ça représente pour moi ce bruit d'interférence et d'onde de choc et de peur qui se répand à l'intérieur de la communauté.
Depuis l’affaire de la censure avec Manhole, avez-vous réfléchi au scénario et aux visuels de Noise en amonts pour tenir compte d’une éventuelle censure ?
Testuya Tsutsui : Je ne pense pas que je me mette des limites, du moins volontairement. A la base, ce n'est pas une histoire gore visuellement. C'est plus à un niveau psychologique que cela se passe. Donc, de ce point de vue-là, je n'ai pas changé ma façon de travailler.
Testuya Tsutsui : Je ne peux absolument pas assurer que ce sera le thème de mon prochain manga mais en tout cas, il y a une question qui m'intéresse en ce moment, c'est cette idée lancée au Japon de distinguer visuellement les délinquants sexuels en leur mettant, par exemple, un bracelet spécifique.
Une question anecdotique pour terminer : à quoi fait référence la casquette de Jun où il est inscrit « The minutemen » ? Le groupe de punk, ou les « Before watchmen » ou autre chose encore ?
Testuya Tsutsui : Ce fait référence au jeu vidéo Fall Out, auquel j’ai beaucoup joué, où il y a un groupe d’autoprotection qui s’appelle les Minutemen.
Merci !
Dessin inédit
Merci aux éditions Ki-oon, notamment à Marine Volny, et à Kim Bedenne pour la traduction.
Merci à Laetitia de Germon pour la retranscription.
Toutes les illustrations de l'article sont tous droits réservés par leurs auteurs et éditeurs respectifs.
NOISE © Tetsuya Tsutsui / Ki-oon