Lorsque Tôru Fujisawa, l’auteur de G.T.O., premier best-seller des éditions Pika avec 1,5 million d’exemplaires vendus, également créateur des séries Young G.T.O., Tokkô et Rose Hip Rose vient en France, c’est forcément un événement exceptionnel. Quoi de plus normal, donc, que les bédiens se portent à sa rencontre afin d’en savoir un peu plus sur cet auteur si prolifique.
Pour l’occasion, Tôru Fujisawa était accompagné de Shohei Yoshida, le rédacteur en chef d’Afternon magazine, et de Toshihiro Miura, éditeur pour le Weekly shônen magazine.
interview Manga
Tôru Fujisawa
Réalisée en lien avec l'album Tokkô – Première édition, T2
A la conférence de presse d'hier, vous avez déclaré que vous ferez peut-être une prochaine série avec, de nouveau, le personnage d'Onizuka de G.T.O.. Est-ce parce que vous affectionnez particulièrement ce personnage ou est-ce plutôt pour répondre à une attente du public ?
Tôru Fujisawa : C’est une série que j’ai réalisée durant de nombreuses années et j’ai donc côtoyé ce personnage pendant très longtemps. Je me suis donc attaché à lui.
Après Bad Company, Shônan Junaï Gumi (Young G.T.O. en France) et G.T.O., pensez-vous que vos nouvelles séries ont souffert des habitudes du public par rapport à des personnages qu'ils ont suivis aussi longtemps ? Les gens attendaient peut-être un G.T.O. bis, ou de voir Onizuka dans une quatrième série… Etaient-ils prêts pour de nouvelles œuvres ?
Tôru Fujisawa : C’est vrai que cela a certainement déçu un certain public mais, en tant qu’auteur, je voudrais vraiment essayer des genres variés car si on fait toujours la même chose, on finit par s’ennuyer. Je pense que je suis maintenant à une période où je veux faire des choses différentes avec des séries comme Tokkô.
Vous avez travaillé récemment sur quatre séries différentes : Momoider, Animal Joe, Kamen Teacher et Reverend D.. Pas trop dur de suivre un tel rythme ?
Tôru Fujisawa : J’essaie avant tout de ne pas changer mon mode de travail et j’essaie de garder mon rythme. C’est très important pour un auteur de garder son propre rythme. Je ne sais pas si vous connaissez le mot « chûgi », qui veut dire « fidélité », « loyauté ». Parfois, vis-à-vis des sociétés qui nous sont fidèles, je ne peux pas refuser certaines propositions. J’ai ainsi été obligé d’accepter certains projets. Cela arrive malheureusement souvent.
Du coup, pour toutes ces séries, produisez-vous plus de planches qu'auparavant ? Avez-vous du modifier votre méthode de travail ? Avez-vous plus d’assistants, plus d’heures de travail ou travaillez-vous plus vite qu’avant ?
Tôru Fujisawa : Vous l’imaginez peut-être comme ça, mais la quantité de ce que je produis par mois n’a absolument pas changé. C’est parce que j’exige un nombre de planches maximum par mois, et je ne peux pas faire plus. Le nombre de pages est décidé d’avance et c’est à partir de là que je discute avec mes éditeurs pour voir comment je répartis mon travail.
Quels sont vos projets immédiats, confirmés, dans le domaine du manga, en dehors de continuer vos séries actuellement en cours ?
Tôru Fujisawa : Je vais faire une série dans le magazine Weekly shônen magazine qui a publié G.T.O.. Elle va commencer certainement entre l’automne et l’hiver prochain. Je vais aussi reprendre Tokkô et cela aussi se fera normalement entre l’automne et l’hiver. Toutes deux vont être des séries assez longues.
C’est une bonne nouvelle pour le public français, nous aimons beaucoup Tokkô !
Shohei Yoshida : Ça me fait très plaisir ! (Rires)
Y a-t-il d'autres auteurs dont vous appréciez particulièrement le travail ? Avez-vous le temps de lire d'autres mangas ?
Tôru Fujisawa : Il y a un auteur que je respecte et que j’aime beaucoup, c’est Katsuhiro Otomo (ndlr : l’auteur d’Akira). Dès que j’ai un peu de temps je lis des mangas. Quand un manga me séduit, je ne peux plus m’arrêter ! Alors, j’essaye quand même de trouver du temps pour lire.
Pouvez-vous citer des mangas que vous lisez en ce moment ou que vous avez lu récemment ?
Tôru Fujisawa : Récemment, j’ai fait beaucoup de librairies en une journée pour trouver tous les albums de 20th Century Boy (ndlr : paru en France chez Panini) et je les ai lus d’un seul coup ! (Rires) Idem pour Initial D ! (Rires)
En dehors du manga, quelles sont vos références ?
Tôru Fujisawa : Des jeux comme Bio hazard (ndlr : Resident Evil) et Grand Turismo.
Et en termes cinématographiques, y-a-t-il un certain genre que vous affectionnez particulièrement ?
Tôru Fujisawa : J’aime beaucoup Blade Runner. Je vois pas mal de films, mais je ne peux pas citer spécialement un réalisateur que j’aime. De manière générale, j’aime beaucoup le cinéma.
Si vous aviez une gomme magique, retoucheriez-vous une partie de l'une de vos œuvres (scénario ou dessin) ? Si oui, laquelle, et pour faire quoi à la place ?
Tôru Fujisawa : (Rires) Évidemment, je pense que tous les auteurs voudraient corriger ou améliorer certaines choses. Je ne souhaite pas effacer quelque chose mais je souhaite plutôt en améliorer. Surtout le début de Shônan Junaï Gumi. Pour le moment, je ne veux même pas revoir les trois premiers tomes ! (Rires)
Shohei Yoshida : Je voudrais moi aussi vous poser une question : d’après vous, qu’est ce que le public français aime dans Tokkô ?
C’est le ton, l’ambiance résolument plus sombre, plus mature, plus seinen. C’est assez proche, justement, d’histoires comme celle de Bio hazard et le public français en est friand.
Est-ce que vous aimeriez ne faire que des mangas plus matures dans le style de Tokkô et laisser de côté les histoires shônen ?
Tôru Fujisawa : L’éditeur ne le permet pas ! (Rires) Encore une fois, c’est une question de fidélité.
Mais dans l’absolu ?
Tôru Fujisawa : Oui, avec le temps, cette envie a grandi de plus en plus.
Vous avez visiblement les mêmes goûts qu’Onizuka. Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de vous dans ce personnage ?
Tôru Fujisawa : En fait, dans Onizuka, il y a une partie de moi et de mes deux éditeurs, Mr Toshihiro Miura et Mr Shohei Yoshida ! Si vous lisez beaucoup G.T.O., vous aussi vous deviendrez comme lui ! (Rires)
Merci beaucoup !
Merci à tout le staff de monsieur Fujisawa et à la traductrice Shôko Takahashi, ainsi qu’aux éditions Pika.
Conférence de presse du jeudi 13/03/2008 :
Avant le salon du livre, Tôru Fujisawa, son assistant en chef Masaki Horikawa, ses éditeurs Shohei Yoshida et Toshihiro Miura, ainsi que Yohei Tanahashi, en charge des droits internationaux chez l’éditeur Kodansha, se sont prêtés à une conférence de presse privée.
D’où vous est venue l’idée de G.T.O. ? Pourquoi avoir transformé ce personnage assez atypique en professeur ?
Tôru Fujisawa : Comme vous le savez, avant G.T.O., j’avais réalisé Shônan Junaï Gumi, connu en France sous le nom de Young G.T.O.. Lorsque j’ai décidé de faire la suite de cette histoire, j’ai cherché un métier qui serait le plus loin possible du Onizuka voyou qu’on voit dans cette série. Je me suis alors dit que c’était très intéressant de faire le transfert de ce personnage en professeur, qui est donc un métier à l’opposé du voyou.
Dans G.T.O., le héros se livre à des délires constants dans tout ce qui concerne les dessins animés, les mangas, les jeux vidéos, les cosplays... On sent que vous avez une culture extrêmement riche sur le sujet. N’avez-vous pas été un petit peu un Onizuka bis ?
Tôru Fujisawa : C’est vrai que j’adore le cosplay, la moto, les jeux vidéos et tout ce qu’aime Onizuka.
Il y a eu l’année dernière une grande enquête auprès des lecteurs français de mangas, et on leur a notamment demandé quelles étaient leurs séries favorites. GTO est arrivé 2e chez les garçons, mais également 4e chez les filles, ce qui nous a un peu surpris. C’est d’ailleurs aussi le cas dans beaucoup de pays européens dans lesquels cette enquête a aussi été réalisée. A votre avis, pourquoi une telle série est-elle autant attractive pour les filles que pour les garçons à qui elle est en principe destinée ?
Tôru Fujisawa : Ce phénomène de popularité auprès des filles a aussi existé au Japon. Cette série plaît aussi beaucoup aux filles et je pense que c’est parce qu’elle est universelle. Cela me fait très plaisir de savoir que l’on observe la même chose ici aussi.
Toshihiro Miura : Nous n’avons absolument pas fait exprès de réaliser cette série de manière à plaire ainsi au public féminin.
C’est peut-être parce que, dans GTO, les filles ont souvent un Q.I assez développé que cela plaît autant au public féminin…
Shohei Yoshida : Ah ! Alors j’aurai appris quelque chose aujourd’hui ! (Rires)
En 10 ans, le monde du lycée peut complètement changer. Avez-vous du faire des recherches sur ce milieu ou vous êtes-vous basé uniquement sur vos souvenirs ?
Tôru Fujisawa : J’ai fait un peu de recherches en lisant des magazines ou en rencontrant des gens qui connaissent le sujet. C’est vrai que j’ai du étudier la question. Et comme je n’ai pas l’âge des lycéens, je ne peux pas dire que j’ai réussi à 100% à bien rendre ce milieu. Mais mes lecteurs ont à peu près l’âge des personnages que je décris et cela me fait plaisir de le savoir.
Le milieu scolaire revient toujours dans vos mangas. Est-ce un centre d’intérêt particulier ou est-ce plus pour plaire au public ?
Tôru Fujisawa : La période du lycée, ou de l’école en général, est une période où tout le monde passe un jour, y compris ceux qui sont adultes aujourd’hui et les enfants qui y seront demain. Je trouve qu’il est donc intéressant de décrire cet endroit que tout le monde connait.
Le thème du lycée est très présent dans beaucoup de manga et ne ressort pas autant dans la BD française. Cet endroit semble être crucial pour le public japonais. Vous pouvez développer ?
Toshihiro Miura : En fait, les mangas japonais sont publiés chaque semaine sous forme de magazines hebdomadaires. Il y a beaucoup plus de jeunes qui lisent ces mangas et c’est pourquoi on choisit les sujets qui parlent le plus aux adolescents. Mais je pense qu’il est aussi intéressant de faire des mangas sur d’autres sujets alors, en tant qu’éditeur, je vais essayer d’aborder d’autres thèmes. Vous verrez !
Comment avez-vous appris le métier de mangaka ?
Tôru Fujisawa : J’aimais beaucoup dessiner étant petit et je lisais énormément de mangas. En grandissant, j’ai naturellement eu envie de devenir mangaka, mais cela s’est fait de manière autodidacte.
Dans le manga GTO, il y a un certain nombre de pervers pépères assez frappés du ciboulot. Est-ce juste un délire, toute cette perversion sexuelle des professeurs, le fruit de l’imagination de l’auteur, ou est-ce le reflet d’une certaine réalité de ce qui se passe dans les lycées japonais aujourd’hui ? (Rires)
Tôru Fujisawa : Au Japon, c’est vrai qu’on voit ce genre de professeurs et que c’est un problème social. Mais j’ai évidemment arrangé la réalité à ma sauce pour rendre cela de manière satyrique.
Toshihiro Miura : Je pense que les garçons sont initialement pervers. (Rires) Evidemment il ne faut pas aller jusqu’au crime, mais je crois que le côté pervers peut parler au public masculin et que les lecteurs se sentent très proches de cela.
À ce propos, G.T.O. va quand même assez loin sur ce sujet. Je voulais savoir quelles avaient été vos relations avec votre éditeur lors de la prépublication. Celui-ci vous a-t-il parfois dit que vous alliez trop loin et que vous ne pouviez pas publier certaines choses dans une revue pour lycéens ?
Tôru Fujisawa : Oui, il y a eu beaucoup de discussions là-dessus. Pour approfondir les personnages je voulais parfois aller très loin et mon éditeur trouvait que certaines de mes expressions étaient trop agressives ou que j’allais effectivement trop loin. Donc, oui, nous avons eu ce genre de débat.
Dans le dernier volume de GTO, on voit un rapport assez fantasmé, très amusant et très caricatural entre Mr. Fujisawa, ses assistants et l’éditeur, ainsi que la légèreté avec laquelle on peut choisir le sujet d’un manga. Quand on voit le virage entre G.T.O. et les mangas qui ont suivi, j’aurais voulu savoir jusqu’où ces petits bonus de fin de volumes, qui illustrent un petit peu la vie éditoriale et la vie du studio de Mr Fujisaswa, allaient dans la fiction ? (Rires)
Toshihiro Miura : Disons que c’est un peu déformé, mais cela montre aussi une partie de la réalité. J’apparais comme quelqu’un de masqué et on me décapite à la fin mais ce n’est pas allé jusqu’à ce point là !
J’aimerai revenir sur le sexe dans G.T.O., qui tient une place importante et qui a aussi participé à son succès international. Dans cette série, le sexe n’est jamais présenté de manière cool. Il n’y a jamais de relation sexuelle librement consentie entre les adolescents. On a un peu l’impression en lisant la série que le sexe est toujours générateur de désordre, ou alors que c’est pervers. J’ai eu beau chercher la moindre représentation d’un acte sexuel normal, je n’en ai pas trouvé. Cela laisse une impression assez bizarre pour le lectorat étranger…
Shohei Yoshida : De manière générale dans les mangas, on voit toujours ce genre d’expressions du sexe assez déviantes. Mais, comme on l’a dit tout à l’heure, ce manga a été fait pour un public d’adolescents, et ils se sentent tout de même assez proches de l’univers de ce manga. Tout à l’heure, quelqu’un a posé la question de savoir si cela reflète la réalité du Japon. A mon avis les mangas essayent de montrer l’état du Japon actuel, non pas de manière journalistique mais en tant que divertissement. De ce point de vue G.T.O. réussit très bien à parler du Japon.
G.T.O. et Young G.T.O. ont été deux longues séries et vous avez développé le personnage d’Onizuka sur près d’une soixantaine de tomes. Qu’avez-vous ressentit en mettant un terme à ses aventures ? Avez-vous déjà été tenté depuis de reprendre ce personnage et de poursuivre ses aventures après la période G.T.O. ?
Tôru Fujisawa : C’est vrai que c’est un personnage avec qui j’ai été lié d’amitié pendant longtemps et dont je me suis bien occupé. J’aimerai donc bien mettre en scène ce personnage dans une autre série dans l’avenir et j’en discute actuellement avec l’éditeur de Shônen magazine.
Pour reprendre ce personnage dans des aventures qui se situeront combien de temps après G.T.O. ?
Tôru Fujisawa : Pour l’instant rien n’est vraiment concret et on ne sait pas encore s’il sera toujours professeur ou s’il pratiquera un autre métier. En tout cas, si cela se fait, j’espère que cela vous plaira.
Aujourd’hui le manga au Japon traverse une sorte de crise puisque les magazines hebdomadaires ont vu leur diffusion nettement baisser depuis une dizaine d’années. En revanche, les tankôbon (ndlr : les volumes reliés) se vendent très bien et on a même tendance aujourd’hui à produire très vite ces derniers après la prépublication dans les magazines. Comment Kodansha, qui est l’un des plus grands éditeurs japonais de mangas, envisage l’avenir ? Est-ce que l’on va commencer à publier sur d’autres supports, portable, PC… ? Avez-vous une stratégie internationale ? Par exemple diriger directement des collections sur des marchés étrangers comme la France ?
Yohei Tanahashi : C’est vrai que nous sommes à une période où il est très difficile de développer le manga à l’intérieur du Japon. Tout ce que vous avez dit est vrai et c’est d’ailleurs pour cela que le marché étranger devient de plus en plus important pour nous. On ne peut plus seulement penser le manga sur papier et on réfléchit à d’autres supports comme l’ordinateur et le téléphone portable. Cela existe déjà en Corée avec des mangas qu’on peut lire en ligne et on réfléchit à d’éventuelles possibilités de faire cela en Europe. Aujourd’hui, en Europe, les publications des traductions se font de plus en plus vite après la publication au Japon. A mon avis, il est important de penser à publier le plus tôt possible aussi en Europe.
Qu’est-ce que vous considérez comme les caractéristiques essentielles d’un manga de qualité ? Quelles autres œuvres ou mangakas considérez vous comme bons ?
Tôru Fujisawa : De manière personnelle, je pense qu’un bon manga est un manga aux images fluides. Il faut que le lecteur se sente emporté par les images et l’histoire, qu’il se sente proche des personnages. J’espère que je fais ce genre de manga et je ferai tout pour continuer en ce sens.
Où en est-on de l’édition de la suite des mangas Tokkô et Rose Hip Rose qui ont été arrêtés ?
Tôru Fujisawa : C’est vrai que ces deux mangas ont été arrêtés, mais cela ne veut pas dire que les histoires sont terminées. Ce sont des choses qui arrivent quand on travaille pour plusieurs magazines. Mais je compte bien continuer et terminer ces histoires un jour.
Est-ce un tournant dans votre carrière que de faire du seinen ? En quoi cela constitue-t-il un changement ?
Tôru Fujisawa : Il y a deux genres de magazines, le shônen, destiné aux plus jeunes et le seinen, plutôt destiné aux plus grands. G.T.O. est évidemment destiné aux adolescents, mais je voulais faire d’autres choses que ce que l’on peut faire dans ce genre, comme montrer des armes ou du terrorisme, ce que j’ai pu faire avec Tokkô ou Rose Hip Rose dans le magazine seinen.
On parlait tout à l’heure du manga à l’international. On voit de plus en plus de productions japonaises sortir à l’étranger. Mais, essayer de s’adapter aux goûts des occidentaux, cela donne parfois des produits qui perdent un peu de leur âme. Or, l’identité japonaise est justement ce qui intéresse le public occidental. N’avez-vous pas peur que les auteurs japonais, en essayant de s’adapter à nos goûts, perdent justement leur identité et l’attraction que nous, occidentaux, avons pour leurs œuvres ?
Shohei Yoshida : Il y a maintenant plus de 10 ans, nous avons fait appel à un auteur européen pour lui demander de faire un manga au Japon. Cette expérience m’a fait comprendre que chaque pays a sa propre culture et que, de toutes manières, même s’il essaie de faire autre chose, ce n’est pas possible. C’est là que j’ai compris qu’on ne pouvait pas faire ainsi un manga pour le public japonais. A mon avis, ce que vous dites est vrai, et je pense qu’un auteur japonais ne pourra pas faire une œuvre qui plaît complètement au public occidental. Mais nous sommes en train de faire des essais, de réfléchir sur d’éventuelles possibilités.
Le tome 3 de Tokkô va être bientôt publié en France. Ce volume est particulier, car vous délaissez les personnages principaux des deux premiers tomes pour vous concentrer sur d’autres. Quelles étaient vos intentions avec ce procédé scénaristique ?
Shohei Yoshida : Les deux premiers tomes de Tokkô décrivent un peu l’univers de l’œuvre et montrent des caractéristiques des personnages, mais on a décidé dès le départ qu’il fallait que Tokkô soit libre au niveau de l’intrigue, au niveau de la continuité de l’histoire. Evidemment, on ne va pas le faire, mais pourquoi ne pas dire tout à coup que l’histoire se situe à Paris en France ? C’est une possibilité aussi. L’important, c’est de montrer comment les personnages se battent dans cette histoire. Je pense que c’est ce genre de défi qui est possible dans le magazine seinen pour adulte. Il est vrai que pour l’instant, cette série est interrompue, mais, grâce à cette liberté, on peut à tout moment recommencer.
Est-ce qu’on verra ce procédé scénaristique plusieurs fois lors de la construction de la série ?
Tôru Fujisawa : Mon concept actuel est de montrer un univers du point de vue de chaque personnage et, à la fin de l’histoire, les différents univers vont se rejoindre. Je pense que ce sera comme cela.