Ecumant le monde du fanzinat et publiant à compte d’auteur depuis bon nombre d’années, créatrice de plusieurs séries primées en amateur et déjà publiée aux Etats-Unis, VanRah fait ses débuts professionnels en France chez Glénat manga avec une reprise entièrement redessinée de son œuvre la plus connue, Stray dog. Présente à Japan Expo 2015 sur le stand de l’éditeur pour la sortie du premier volet de la série, nous sommes allés à sa rencontre...
interview Manga
VanRah
Bonjour ! Comment es-tu devenue dessinatrice, et pourquoi dans le style manga en particulier ?
VanRah : Je suis devenue dessinatrice parce que j’ai toujours aimé dessiner, tout simplement. C’est un peu bateau mais c’est comme ça. Pour moi, c’est un moyen d’expression parce que je suis quelqu’un de très calme, je ne suis pas très rentre-dedans. Donc ça me permettait d’exprimer ce que, par correction, je ne pouvais pas dire au niveau des gens. Après, par rapport au style manga, j’y suis vraiment venue sur le tard parce qu’à la base j’ai une formation de dessinatrice de comics. Du coup j’ai découvert le manga plus tard et finalement ça a juste complété mon arsenal artistique.
VanRah : Non, je suis complètement autodidacte. Par contre, j’ai eu la chance d’apprendre auprès de dessinateurs et d’encreurs de comics qui ont eu la gentillesse de m’enseigner un petit peu leurs méthodes. C’est pour ça que tout ce qui est méthodologie, en ce qui me concerne, eh bien c’est un pot-pourri des méthodes de plusieurs artistes que j’ai adorés et qui m’ont expliqué un peu leurs moyens de procéder.
Des artistes connus en particulier ?
VanRah : Alors il y a Ivan Reis, l’auteur d’Aquaman, Tony S . Daniel , et Inkist / Scott Williams aussi (c’est l’encreur de Jim Lee). Après, il y a essentiellement des animateurs qui ont travaillé sur des séries de Batman et de la Justice League.
Comment es-tu rentrée en contact avec eux ?
VanRah : J’étais fan de leur travail, et je leur ai tout simplement envoyé à un moment donné un petit mot soit sur leur blog, soit directement sur leur mail personnel car il y en avait qui avait la gentillesse de le laisser, en leur expliquant que, pour ma part, il était impossible d’avoir une formation artistique dans les écoles d’art, et que j’étais vraiment passionnée par leur travail parce que je les lisais autant que je voulais en créer. Et au final, je leur ai demandé s’ils pouvaient tout simplement m’enseigner des petites choses ou me montrer comment ils faisaient leur travail. Parce qu’à l’époque, il n’y avait pas de vidéos de tutoriel sur Internet, cela ne se faisait pas. Et beaucoup d’entre eux ont vraiment eu la gentillesse de dire « oui, je vais te montrer ».
Et tu es allée les rencontrer sur des conventions ?
VanRah : Non, on a fait ça par chat vidéo. On a essentiellement échangé par webcam et par MSN. Après, ils mettaient des liens en postant des vidéos, filmaient ce qu’ils faisaient directement, ils me l’envoyaient et disaient « bah voilà, je bosse comme ça ». Et du coup j’essayais de recréer de la même manière, et puis si j’avais un problème, je leur disais « il y a cette étape que je ne comprends pas, est-ce que vous pouvez me la réexpliquer ? ».
Pour en revenir à Stray dog, d’où est venue l’idée de la série ?
VanRah : J’ai toujours été une passionnée de contes. Tout mon registre, que cela soit en auto-publication ou en publication professionnelle, cela tourne toujours autour des contes. Par rapport à cela, j’ai voulu faire un pitch à la base tout simple avec un personnage masculin qui aurait eu un prénom féminin et un personnage féminin avec un prénom masculin. Par-dessus cela, j’ai collé sur une légende préexistante qui avait tout le fond pour faire en elle-même une bonne histoire et j’ai rajouté ma patte personnelle. En fait, mes histoires, surtout Stray Dog, c’est vraiment un pot-pourri de tout ce que j’aime, à savoir la symbolique, l’histoire, tout ce qui est mythes et légendes, les créatures légendaires ainsi que les traditionnelles orientales ou européennes, et le steampunk aussi que j’adore.
Quelles sont tes inspirations et tes influences pour Stray Dog ?
VanRah : En fait, c’est plutôt des styles de dessins puisque, avant de lire une histoire, je regarde si c’est graphiquement bien fait, et si j’aime bien le dessin. J’ai toujours été passionnée par la mise en place des choses dans une histoire avant de considérer le scénario puisque, encore une fois, étant autodidacte, j’étais vraiment dans une optique d’apprendre. Qu’est-ce qui marche, qu’est-ce qui ne marche pas ? Par rapport à Stray Dog, de toute façon, comme tous mes autres titres, au niveau des influences, ce sera des auteurs de comics comme Jim Lee, Inkist que j’ai cité tout à l’heure, et également Marcus To qui fait des très bonnes choses. Il y a beaucoup d’artistes de comics effectivement, il y a également Francis Manapul, Tony S. Daniel qui est exceptionnel aussi dans son style... Après, au niveau des artistes manga qui ont complété un petit peu mon panel, il y a Miwa Shirow, il y a Hiroyuki Asada dont j’adore le trait, il y a également Kairi Shimotsuki dont j’adore le dynamisme des histoires, et Masashi Kishimoto dont j’adore les héros.
Ça, c’est surtout pour le graphisme et la mise en page, mais d’un point de vue scénaristique ?
VanRah : Déjà, je me suis basée sur la mise en place des films, et la mise en place des comics américains. Donc, ce n’est pas un titre qui m’a inspirée, mais plutôt un genre. A savoir que je raconte mes histoires, mais sans parti-pris. D’autre part, j’essaye de faire en sorte que, quelque que soit l’endroit de l’histoire dans lequel on se trouve, on arrive à situer le moment, l’époque, l’endroit. Et surtout, dérouler au fur et à mesure pour que le lecteur ne se perde pas, ne pas faire d’ellipses au milieu. C’est comme des captures d’écran que je fais, et par rapport à cela, je raconte mon scénario comme je le verrais sur un film ou un grand écran.
Comment as-tu imaginé le scénario ?
VanRah : Au départ, je créé le personnage principal. Ensuite, je fais toute une toile de personnages secondaires qui vont graviter autour de lui, avec lequel il y aura des relations. Par exemple, pour Toru de Stray Dog, il a telle malédiction, il y a tels points positifs, telles contraintes qui lui sont associées. A partir de là, je me dis qu’il a un début, un stade de départ, il va évoluer en ça et au milieu il faudra expliquer tout cela. A partir de ça, je brode mon canevas. En fait, je ne m’inspire jamais de scénarios préexistants parce que ce n’est pas cela qui m’intéresse, c’est plutôt l’aspect artistique. Moi j’ai raconté une histoire par rapport au personnage principal et j’ai créé l’histoire autour de lui, vraiment pour lui.
Du coup, tu te laisses porter par tes personnages au fur et à mesure ou, quand tu détermines la trame de ce qu’il va devenir, tu sais déjà ce que va donner l’histoire générale et comment elle va finir ?
VanRah : Mon scénario est bouclé de A à Z quand je commence une série, que ce soit en autoédition ou en édition professionnelle. Je sais comment il commence, comment ça termine et je sais ce qu’il se passe au milieu. Donc je sais finalement où je vais, pour moi il n’y a pas de « ah là je me suis retrouvée un peu prisonnière parce que j’ai loupé quelque chose ». S’il y a ça à cet endroit, c’est parce que cela sera expliqué plus tard, c’est construit dans cette optique-là. Rien n’est laissé au hasard.
VanRah : Là non, c’est différent. Je vois plutôt dans l’optique de « j’ai quelque chose à raconter, je sais ce que je vais mettre dans ce chapitre-là ». Après, je m’organise comme tout dessinateur avec mes roughs, j’organise mes scénarios sur papier, etc., mon rail finalement. Et par rapport à cela, il y a des scènes dont j’imaginais au départ qu’elles allaient prendre plus de temps et où je me disais « cette scène va faire tant de pages », et qui au final me prennent moins de pages parce que cela se passe plus vite. Et il y a d’autres passages où je me disais que « ça va aller très vite » et au final c’est un peu plus long à expliquer. C’est d’ailleurs pour cela que le volume 1 fait son poids, parce que je sais comment se termine un volume, un chapitre, mais au milieu, tant que je n’ai pas fini de mettre ce que je voulais dans le chapitre, celui-ci peut tout autant avoir 30 pages que beaucoup plus. Par exemple, dans le volume 3, il y a un chapitre qui fait 180 pages à peu près.
Au départ, tu auto-publiais la série et maintenant tu es éditée par Glénat. Parles-nous de cette rencontre et de ton entrée dans le monde professionnel.
VanRah : Le fanzinat est pour moi un gros test panel de mes séries. Cela me permet de présenter mon travail à des gens de tous milieux, de toutes natures finalement (jeunes, vieux...). Stray dog est une série qui me tenait vraiment à cœur, donc je voulais la développer le plus loin possible. Par contre, à la base, c’est un scénario qui prend des personnages qui n’existaient pas ailleurs, c’est-à-dire que dans la littérature manga française d’aujourd’hui, on n’a pas de lycan, ce ne sont jamais des personnages mis en avant. Et ce ne sont jamais des histoires décortiquées d’un point de vue historique. A la base, on m’a fait beaucoup de refus parce que je ne rentrais pas dans les cases. De la même façon, on m’a mis dans du seinen parce que je ne fais ni shôjo ni shônen. Ça peut être lu par tous et par tout le monde, ça ne rentre pas dans une case. On ne m’apportait pas de réponse, on ne me disait pas ce qui n’allait pas. Je savais que j’étais un peu hors ligne éditoriale, tous registres confondus. Donc je me suis dit que j’allais le mettre sur Internet et toucher un large public international, et eux vont me dire ce qui ne va pas. Car, quand ça ne va pas, sur Internet les gens sont très sévères et ne se cachent pas. Donc j’ai fait un test sur un site US, un éditeur en ligne qui pouvait proposer un tremplin pour les jeunes auteurs. Et j’ai eu la très grande surprise d’avoir des énormes retombées positives. En quelques mois, c’est passé première série US internationale et ceci pendant trois ans d’affilée. Ca n’est jamais descendu avec un million de visites par mois et, pour moi qui touchais mes royalties dessus... un bon salaire ! Forte de cette expérience, je me suis dit que cela pouvait peut-être le faire, que le projet était viable et que je pouvais peut-être le présenter à nouveau à quelqu’un. Et, à ce moment, j’ai pris les éditeurs que je lisais le plus, en me disant que cela pourrait peut-être leur plaire maintenant que le projet est plus mature. Et j’ai eu l’énorme chance que les éditions Glénat soient intéressées.
Le site internet dont tu parlais était un site américain. Est-ce que tu as également posté ton manga sur des sites français ?
VanRah : Non, jamais. Parce que je suis une artiste qui a eu la malchance d’être beaucoup plagiée pour mes histoires, mon style, etc. Je retrouvais sans arrêt mes personnages ailleurs. Du coup, je me suis dit que j’allais déjà mettre la barrière de la langue, non pas pour exclure les français, mais pour justement essayer de calmer un peu le jeu et d’avoir moins mon travail retrouvé sans arrêt chez les autres. Et je me suis dit que j’allais le mettre directement en international car on avait à la fois les japonais qui pouvaient le lire, et surtout beaucoup d’américains, et les américains sont excessivement peu pour le manga. Je me suis dit que si jamais cela pouvait leur plaire à eux, ça pouvait logiquement plaire chez nous. Ce n’est pas qu’on est plus magnanime en France, c’est qu’on a une culture qui nous permet de lire tout et n’importe quoi, on n’a pas de restriction à se dire « C’est du manga donc forcément c’est nul » ou « C’est du comics donc forcément c’est nul ». On va se dire « Est-ce que l’histoire est bien ? Est-ce que le style graphique est bien ? ».
Il y a quand même tout un pan du public français qui part du principe que si c’est un manga fait par un français, ça va être nul...
VanRah : Je sais. Je peux juste leur dire que c’est comme s’ils condamnaient une partie du cinéma en disant que « ça vient des Etats-Unis, donc obligatoirement c’est nul ». Il y en a aussi, mais je pense qu’ils doivent essayer avant d’avoir des idées préconçues. Et si on peut les faire changer d’avis, c’est encore mieux car c’est une encore meilleure victoire de battre les esprits obscurs sur beaucoup de questions.
Tu as reçu des prix sur Internet et aussi en convention, et beaucoup de reconnaissance. Est-ce tu penses que c’est parce que ton récit est multi-classé ?
VanRah : Honnêtement, je ne sais pas. Je dirais que c’est parce que les personnages plaisent en eux-mêmes, les gens ont un coup de cœur pour tel ou tel personnage. Du coup, ils vont suivre l’aventure. D’ailleurs, j’ai beaucoup de lecteurs qui m’envoient des messages parce que les brouillons sont toujours mis en ligne actuellement en version américaine. J’en ai beaucoup qui me disent « on aime beaucoup tel personnage donc même s’il commet telle action ou telle exaction, puisque personne n’est parfait, on va le suivre quand même parce que c’est un personnage qui nous tient à cœur ». Donc je pense que c’est plus parce qu’ils ont aimé les personnages. Il y en a eu beaucoup qui m’ont dit « Obligatoirement, il y aura une histoire d’amour entre eux ». Je leur dit « Attendez, vous verrez. Si ça arrive, c’est bien ; si cela se fait pas, c’est parce que dans la vie réelle ça n’arriverait pas ». J’essaye en général de faire mes personnages le plus humain possible pour que justement il y ait une énorme identification du lecteur par rapport à ces derniers. Donc finalement, c’est comme des amis et ils les considèrent comme tels.
Tu as commencé à dessiner et t’éditer toute seule, mais en passant pro, as-tu refait ton manga, ou modifié des planches ou une partie de l’histoire ?
VanRah : L’histoire non. Elle est fixée, cela a toujours été la même. Par contre, j’ai effectivement redessiné l’intégralité des planches pour deux raisons, à savoir que les planches que je postais sur Internet sont des planches brouillons, du premier jet, il n’y a pas de proportions, et Stray Dog avait déjà eu un premier éditeur en France qui avait fait un boulot vraiment exécrable dessus, avec énormément de censure et énormément de modifications des pages sans m’en avertir. Enfin, tout ce qu’il ne faut pas faire en édition, ou du moins vis-à-vis de l’auteur, a été fait, il n’y a qu’à cocher les cases ! Donc, par respect pour mes lecteurs qui ont attendu la réédition de Stray Dog par Glénat et qui vont le racheter, je voulais vraiment leur présenter un travail de qualité, refait, et surtout d’être du niveau de Glénat parce que c’est vraiment une maison d’édition qui a un standing qu’il faut tenir, ce n’est pas tout le monde qui peut mettre Glénat sur sa jaquette, il faut le mériter. Et d’autre part par respect pour ma série aussi, parce que je ne voulais pas présenter quelque chose de moyen avec un label pareil dessus.
Travailles-tu toute seule ou sur le modèle japonais, avec des assistants ?
VanRah : Je fais tout toute seule. On m’a habituée à cela car, étant autodidacte, on ne commence pas avec un studio. Pour moi, cela n’a pas été possible à l’époque. D’autre part, je partais du principe que si jamais j’avais la chance d’entrer dans une boîte ou quoi que ce soit, il fallait que je sois polyvalente. Je ne partais pas dans une optique d’être auteur d’office. Je me disais que si je pouvais me rapprocher de ma passion par tel ou tel moyen, j’y accèderais. Je ne partais pas sur le principe d’être moi-même mise en avant. Après, c’est très long, ça prend beaucoup de temps. C’est pour ça qu’à la base j’avais fait Stray Dog sur un format traditionnel, avec des outils traditionnels, des encrages à la main, etc. Je le fais toujours mais, maintenant, je suis passée au numérique parce que, à partir du moment où je l’ai mis sur Internet, on m’a demandé un gros rythme de parution, 30 pages par mois minimum, et il me fallait des raccourcis. C’est toujours moi qui dessine mais le fait de ne plus scanner la page m’évite de passer des heures à la nettoyer parce que le scanner n’est pas tout à fait clean sur tous les côtés, de refaire les traits parce que la règle a un peu bougé... Là, maintenant, je fais tout toute seule, toujours, cela me prend à peu près 6 à 8 heures par pages, il faut le savoir, mais je fais comme cela. J’aimerais bien travailler avec des assistants mais, d’un autre côté, je sais le travail que je fournis, j’ai une qualité que je veux retrouver chez les gens avec qui je travaille et j’ai du mal à déléguer à cause de cela. Même si je sais qu’ils vont être excellents dans leur partie. Mais c’est uniquement parce que je suis très tatillonne sur beaucoup de points et si je vois quelque chose qui ne passe pas, je vais être insupportable par rapport à cela.
Depuis tu t’es mieux équipée aussi ?
VanRah : Je me suis mieux équipée car j’ai eu la chance d’avoir un artiste qui a revendu sa tablette, la Cintiq 21UX, une tablette excellente. Du coup, je l’ai rachetée d’occasion et je dessine directement dessus. L’intérêt est aussi économique, c’est-à-dire que pour tramer une page, il vous faut des trames. En France, ça nous coûte 5€ sans les frais de port une trame A5, et pour une planche A4 ou A3 il faut à peu près 5 à 6 trames à 5€, alors qu’au Japon ils vendent cela 10 centimes. Vous ne les trouvez pas souvent, les magasins doivent tout le temps se réapprovisionner, ils n’en ont pas en grande quantité. Pour un manga de 300 pages, c’est très dur. D’autre part, comme j’ai un encrage très comics américain, j’ai beaucoup d’aplats noirs. Les aplats noirs, c’est beaucoup de stylo noir et quand vous tombez en rade le dimanche avant de rendre une planche, et que la boutique annonce qu’elle aura de nouveau des staedtler dans 10 jours, vous dites « Mais moi d’ici 10 jours, je fais comment ? Je peints avec mes doigts ? ». Donc c’est aussi ça, pour la praticité de ce côté-là.
Pour en revenir au récit, tu introduis la véritable héroïne très tard dans le récit, dans le dernier chapitre de ce premier volume. Etait-ce l’intention de départ ou as-tu changé tes plans en cours de route ?
VanRah : Je suis axée sur l’histoire de Toru, le héros. Quand je lis des mangas, j’ai horreur des volumes flash-backs. J’ai horreur qu’à un moment donné on coupe l’histoire pour dire « écoutez, il y a dix ans, il s’est passé tout cela » et on aura un volume entier de ce qu’il s’est passé, une grosse ellipse dans l’histoire. Et après, au volume suivant, on reprend en pleine bataille, une fois que le personnage a arrêté de penser à son truc. Donc au départ, je voulais partir par « et bien vous allez tout savoir de ce qu’il s’est passé et maintenant vous allez pouvoir comprendre pourquoi le personnage réagit comme cela » et au final arrêter les ellipses, les arrêts, les coupures dans les scénarios. Il y a un très bon côté à cet aspect-là parce que les lecteurs savent ce qu’il s’est passé, savent pourquoi Toru réagit comme cela, pourquoi il va faire tel ou tel choix en fonction d’eux. Encore une fois, ce sont les avantages du pacte qu’il passe avec Aki. Après, il y a un inconvénient que j’ai remarqué via les sites en ligne, c’est que, quelle que soit la réaction de Toru, les personnes ont beaucoup de sympathie parce qu’on sait ce qu’il s’est passé et en fait ils n’ont pas des réactions très objectives. Très souvent j’ai vu cela à « cet acte-là il est assez répréhensible quand même, mais bon on lui pardonne car il a des circonstances atténuantes ». C’est le mauvais côté de la chose, mais il fallait faire un choix et moi j’ai opté pour vraiment tout dévoiler d’un seul coup et dire « voilà c’est à cause de cela que maintenant il se passe cela ».
Après, il a vraiment des circonstances atténuantes, alors pourquoi serait-ce dommage que les gens aient de l’empathie pour lui ?
VanRah : Je me dis que c’est surtout par rapport aux réactions des personnages qui sont du côté de Toru. Donc, on se dit au départ qu’Aki est très rugueuse avec lui mais, sans paraître trop prétentieuse, j’aurais aimé que les gens se placent du côté d’Aki et se disent « à la base la fille sait que c’est un lycan qui tué son père donc déjà c’est normal qu’elle n’aime pas la race en générale ». D’autre part, c’est normal qu’elle ne soit pas totalement bienveillante envers Toru qui arrive parce que, d’une part elle ne le connaît pas et, d’autre part, elle ne sait pas si c’est lui qui a tué son père ou pas. Et tous les commentaires, c’est « Oh Aki, tu pourrais être plus gentille avec Toru, le pauvre ». Oui, mais elle ne le connait pas.
VanRah : Oui, au début j’ai constaté cela. Du moins, tous ceux qui s’attachent à Toru en général. Après, ils changent leur point de vue quand ils en savent un peu plus au niveau du personnage, etc. Mais, en général, à chaque fois que quelqu’un attaque Toru, d’une manière ou d’une autre, ça passe par « tu es vraiment méchant avec untel, je ne t’aime pas, c’est un personnage que je n’aime pas ». Et au départ, Aki était vraiment détestée par rapport à cela parce qu’elle avait le gros défaut d’avoir des réactions normales, tout simplement.
Est-ce que tu sais en combien de tomes ça va tenir à peu près ?
VanRah : Logiquement, j’avais prévu la série en 9 tomes. Je me table sur 9 tomes en essayant d’avoir un rythme de parution pour l’édition française qui est ce qu’il est. Pour l’instant, j’en suis au quatrième volume donc on va essayer de les faire sortir à un rythme régulier pour que les lecteurs puissent avoir la suite assez rapidement. Après, comme j’ai prévenu mon éditeur, il n’y aura pas moins de tomes. Il peut y avoir un peu plus mais pas moins. Et le rythme de parution sera à peu près tous les six mois. Après, tout dépendra de Glénat car moi je me contente de rendre les planches, après ils ont des problèmes plus éditoriaux qui ne me regardent pas. Moi, je faire en sorte de livrer mes planches assez rapidement pour qu’ils puissent avoir la matière pour faire une parution avec un rythme carré et assez soutenu, pas un manga par an.
Quelles sont tes lectures du moment ou les titres qui t’ont touchée récemment ?
VanRah : J’ai découvert très récemment Tokyo Ghoul, très bonne surprise, pas parce que c’est chez Glénat mais uniquement parce qu’on me l’a montré une fois et j’ai vraiment bien adhéré à ce titre. Après, ce sont des séries assez anciennes, je reste sur Tite Kubo que j’adore, Miwa Shiro également pour la série Dogs qui est un peu en stand-by pour le moment mais bon. Pour Miwa Shiro, c’est vraiment une découverte graphique là, honnêtement. Après, ce sera plus du comics, puisque je suis une grosse lectrice de comics. Donc tous les réassorts de Batman, et dernièrement ils ont fait une réédition de Batman et Robin qui est vraiment très bien.
Si Toru te donnais le pouvoir démoniaque de lire dans l’esprit d’un autre artiste, dessinateur ou pas, vivant ou mort, qui choisirais-tu et pourquoi ?
VanRah : Miwa Shiro parce que j’adore son style, sa mise en page, j’ai du mal à trouver des défauts chez cet auteur. Soit Miwa Shiro, soit Jim Lee, parce qu’ils ont une qualité de dessin qui est exceptionnelle, ils ont des personnages qui sont très attachants en même temps qu’ils sont rugueux et finalement humains, ils sont brut de décoffrage. Ils n’essayent jamais de les édulcorer pour les faire passer mieux auprès du public. Et d’autre part, ils ont des mises en scène qui sont tout bonnement incroyables, un souci du détail qui est malade. J’aimerai bien savoir d’où est-ce qu’ils sortent tout cela, s’ils peuvent partager un peu tant qu’à faire, ça serait super.
Merci !
Merci à Fanny Blanchard et aux éditions Glénat.
Toutes les illustrations de l'article sont ©VanRah