L'histoire :
Hirosuké est un écrivain mollasson dont les histoires fantastiques ne paraissent pas, son éditeur préférant les intrigues réalistes. Son dernier script, « L’histoire de Ra », décrit comment un personnage hérite d’une fortune colossale et l’utilise pour construire un paradis terrestre dont il rêve depuis longtemps. Cette fois encore, son éditeur refuse son histoire, d’autant plus qu’il la trouve beaucoup trop influencée par les écrits d’Edgard Allan Poe. Six mois plus tard, son éditeur lui rend visite et lui apprend que Genzaburô Komoda, le sosie de Hirosuké qu’ils ont connu lorsqu’ils étaient étudiants ensemble, est mort d’une crise d’asthme. En voyant une photo récente du défunt qui lui ressemble toujours autant, Hirosuké met alors au point un plan pour prendre la place de son richissime sosie : faire croire à une catalepsie et sortir de la tombe de Komoda à sa place. Une semaine plus tard, Hirosuké met en scène son propre suicide, puis se rend au cimetière où repose Komoda, déterre ce dernier, s’empare de ses effets personnels et fait disparaître le corps. Une fois « revenu » d’entre les morts, il va pouvoir utiliser la fortune de Komoda pour construire le paradis terrestre dont il rêve depuis toujours...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Adaptation du roman éponyme d’Edogawa Ranpo, célèbre romancier japonais tête de file du genre policier dans son pays et fervent admirateur de Sir Arthur Conan Doyle et d’Edgard Allan Poe - dont il tire d’ailleurs son pseudonyme une fois décomposé à la prononciation japonaise (Edogaw-aran-po) -, L’île Panorama est ici mis en image par Maruo Suehiro (que l’on connaît en France pour La jeune fille aux camélias, chez IMHO), un des grands noms du manga de type « erotico-grotesque », où horreur, cauchemar, fantastique et sexe se mélangent. Pourtant, malgré cette ribambelle de grands noms et des graphismes réalistes et qui proposent des décors somptueux, cette version manga s’avère un peu décevante. Certains passages ne sont pas assez détaillés (par exemple le thème de la montée de l’industrialisation qui est à peine évoqué - une seule planche et à peine de dialogues -, contrairement au roman originel, et l’enquête du détective privé est résumée en 3-4 planches) et d’autres semblent présents sans raison apparente (l’enfant renversé, la servante reconvertie, les problèmes durant les travaux...). Par contre, la partie surréaliste ressort très bien, étant énormément mise en avant avec beaucoup de descriptions des décors en trompe-l’œil et la troupe de saltimbanques grimés en créatures étranges et désaxées. Graphiquement, le style sied à merveille à ce genre d’histoires, qui prend de plus place au milieu des années 1920, époque qui elle aussi correspond bien au trait du mangaka. Les décors sont très fournis et soignés, principalement dans la seconde partie du volume qui se déroule sur l’île, le début étant moins impressionnant. Le trait est réaliste, la mise en scène fait bien ressortir l’ambiance inquiétante, mais les perspectives ne sont pas le point fort de l’auteur et le tramage est irrégulier, parfois très présent et nuancé, parfois oublié ou trop monochrome. Une œuvre intéressante néanmoins, même si elle souffre de son classicisme (il n’y a pas vraiment de suspense pour un lecteur moderne) et de la comparaison avec le roman.