L'histoire :
Une nuit, une banlieue résidentielle comme il en existe tant outre-atlantique – Confortablement installé sur la banquette arrière d’une luxueuse berline, un homme est perdu dans ses pensées. Tout bien pesé, l’Homme n’est pas différent des insectes. Apeuré, il bâtit des ruches de béton et de pierres pour se sentir en sécurité. Mais parfois, la nuit, il se relève, la faim au ventre, et part alors en chasse. L’homme descend d’une voiture arrêtée phares éteints devant un pavillon quelconque. Attirée par le sang, il s’empresse de franchir la petite allée qui le sépare de l’entrée. La porte s’ouvre sans difficulté et s’ensuit le repérage des lieux. Personne au salon, nulle lumière ne brille. Les démons et cauchemars habitent probablement les esprits endormis. L’homme monte et pénètre la chambre de l’enfant. La fillette est éveillée et sert fort contre son cœur une poupée. Elle est visiblement craintive. Il faut donc lui tendre une main bienveillante et l’inviter à le suivre dans la chambre d’à côté où dorment ses parents. Là, Léa – c’est son prénom – assiste à leur meurtre de sang froid. Une balle dans la tête, propre et tout en silence. L’assassin se retire enfin, laissant au témoin une fleur, une rose en souvenir. Le seuil franchi, le champion est accueilli sous les applaudissements. La scène fut parfaite. C’est dans la boîte. Du grand art ! Manque plus que l’oscar. Sauf que son public n’a rien compris de l’événement. L’acteur a tué pour de vrai et on lui parle comédie, prix. Décidément, l’Homme n’apprendra jamais.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette couverture est ratée. C’est en tout cas la première réflexion qui vient à l’esprit en refermant l’album. Le regard vide de l’assassin, une petite fille renfermée tenant une rose, la lumière (et l’ombre) projetée d’un spot, un clap de prise (…), les éléments sont là mais le résultat quelconque paraît en porte-à-faux au regard du résultat saisissant proposé. Blondel et Camilo ont en effet concocté ensemble un récit mariant réalité et fiction, tout en nuance de gris, sur le thème éculé mais accrocheur du tueur. Le tueur (c’est le titre du must signé Jacamon et Matz) ou Malone plus récemment, les scénarii construits autour du meurtre sur commande enthousiasment généralement et Actor’s Studio n’échappe pas à la règle. S’inspirant des « snuff movies » (ces légendes urbaines où les victimes sont charcutées en vrai devant la caméra), le titre met en scène une galerie de personnages, du monstre déshumanisé à l’innocence personnalisée, « enchaînés » par un destin improbable et ô combien tragique. Décors épurés et narration posée, le rythme de lecture vous prend progressivement en ses filets pour ne plus vous lâcher. La toile des planches savamment cadrées brode autour des sentiments de remords et de la culpabilité. Les auteurs jouent avec les nerfs de leurs acteurs, comme des lecteurs pour un résultat donc saisissant et sans concession. Prise une, Rose rouge : ça tourne !