Découvert avec Goth, l’adaptation d’un roman japonais, Kenji Oiwa est un auteur caméléon qui ne cesse de changer de genre d’une série à l’autre. Son dernier projet en date ? L’adaptation du célébrissime jeu vidéo Assassin’s creed IV Black flag. Mais qui est Kenji Oiwa ? A quoi doit-on s’attendre pour la suite ? Eléments de réponse avec cette interview…
interview Manga
Kenji Oiwa
Réalisée en lien avec les albums Assassin’s creed awakening T1, Assassin’s creed awakening T2, Bienvenue dans la NHK T8, Bienvenue dans la NHK T7, Bienvenue dans la NHK T6, Bienvenue dans la NHK T5, Bienvenue dans la NHK T4, Bienvenue dans la NHK T2, Bienvenue dans la NHK T1
Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes devenu mangaka, et pourquoi ?
Kenji Oiwa : Au début, je voulais devenir illustrateur, sauf que cela demande des années avant de pouvoir en vivre. En me renseignant, je me suis rendu compte que c’était un peu compliqué, donc je me suis dit que j’allais plutôt faire mangaka. Je me suis lancé et ça a marché...
Assassin’s Creed® Awakening © 2014 Ubisoft Entertainment. All Rights Reserved
Kenji Oiwa : Goth est basé sur un roman. Mon éditeur de l’époque m’avait présenté le roman d’origine en me précisant que l’auteur avait le même âge que moi et que ça pourrait être sympa de travailler avec lui. Il m’a présenté plusieurs œuvres et on a décidé de bosser ensemble en arrêtant notre choix sur Goth.
La même année, on a aussi pu lire 99 Happy soul, qui opte pour un registre plus coquin et léger. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce titre ?
Kenji Oiwa : Ce choix d’histoire, c’est parce que je voulais tester différents genres. J’ai souvent changé, entre Goth, Bienvenue dans la NHK, et là avec 99 Happy soul je voulais faire un truc un peu débile et coquin. Pour ce qui est de la naissance du scénario, je me suis inspiré de la mythologie, que j’aime beaucoup lire, en particulier la mythologie hindouiste avec l’animisme (où chaque chose est habitée par un esprit), et c’est comme ça que j’ai pensé à créer des dieux différents dans différents objets.
Après cela, vous changez encore de registre avec Bienvenue dans la NHK avec Tatsuhiko Takimoto. Comment s’est passé la collaboration ?
Kenji Oiwa : C’est pratiquement la même chose que pour Goth : mon éditeur m’a proposé de travailler avec un auteur dans la même tranche d’âge et ça m’a beaucoup intéressé. On travaillait bien ensemble et on s’entendait bien, on était d’un âge proche, on avait les mêmes centres d’intérêt... J’observais vraiment sa façon de penser, ce qu’il voulait dire à travers son œuvre, afin de pouvoir la retranscrire le mieux possible.
Cette série aborde des thèmes difficiles (hikikomori, suicide, folie…), mais on sent que vous et M. Takimoto vouliez faire passer le message au lecteur de se prendre en main pour avancer : c’est un thème cher votre cœur ? Avez-vous participé à l’élaboration de ces thématiques avec votre scénariste ?
Kenji Oiwa : Evidemment, c’est un thème important, et il y a eu des discussions et des débats à ce sujet. Le scénariste disait qu’un hikikomori ne guérit jamais, qu’il ne peut pas en sortir, mais je pensais que le message que l’on devait donner est qu’il est possible de surmonter cette difficulté-là.
Avec le recul, que pensez-vous de ce titre ?
Kenji Oiwa : C’est difficile d’évaluer sa propre œuvre, mais comme on était deux sur ce titre, ça permet tout de même d’être un peu objectif là-dessus. Déjà, c’est un très bon souvenir pour moi, même si concrètement, c’était beaucoup de difficultés, comme de ne pas avoir le scénario quand j’en avais besoin à certains moments par exemple. Quant à l’œuvre en elle-même, avec le recul, je la trouve bien, il y a dedans une bienveillance envers les jeunes. Cela me fait bizarre de le dire moi-même, mais comme c’est une collaboration, je peux me le permettre.
Plus récemment, vous vous êtes lancés dans l’adaptation de jeux vidéo avec Assassin's Creed Awakening : comment êtes-vous arrivé sur ce projet ? Ce genre d’adaptation est un exercice difficile : y a-t-il des contraintes spécifiques ?
Kenji Oiwa : J’étais ami avec un éditeur de chez Jump, et Jump est en contact avec Ubisoft, c’est comme ça que je me suis retrouvé sur ce projet. Evidemment, il y a des restrictions, mais il y a aussi le dilemme d’essayer de ne pas trop s’éloigner de l’œuvre originale, de la respecter tout en apportant quelque chose avec le manga. Il faut donc forcément déformer un peu quelque chose et il y a cette difficulté-là. Il y a parfois eu quelques retouches à faire, mais je n’ai jamais subi de forcing ni de contrainte insurmontable, donc je me suis bien amusé en dessinant.
On l’a vu, vous avez travaillé dans de nombreux styles de récits différents. Aujourd’hui, vers quoi vont vos préférences ? Avez-vous varié autant les styles seulement pour vous chercher ou pour le plaisir de diversifier ?
Kenji Oiwa : Il y avait un côté recherche mais ce n’est pas principalement ça. Ce que je voulais, c’était vraiment diversifier mon genre, au maximum, car je veux être mangaka jusqu’à ma mort, et il faut pour cela être souple et savoir dessiner tous les styles de récit. Au final, après avoir travaillé sur autant de choses différentes, je me suis rendu compte que ce n’est pas le genre du récit qui est important pour moi, mais plutôt de bien développer les personnages et de rendre l’histoire intéressante.
Vos prochains projets pourront donc être dans n’importe quel style ?
Kenji Oiwa : Oui, cela pourrait être n’importe quoi. Bon, si c’est quelque chose d’aussi sombre que Goth, je risque peut-être de me lasser, mais il suffit que je trouve quelque chose qui me plaît et je peux faire de tout.
On vous a vu dans un reportage diffusé en août 2015 dans l’émission japonaise Toko Toko en train de travailler sur une œuvre que l’on ne connaît pas encore. Pouvez-vous nous en parler ?
Kenji Oiwa : Je peux dire qu’une nouvelle série mensuelle arrivera bientôt dans un magazine, et j’ai aussi un autre projet d’adaptation sur lequel je travaille, mais je ne peux pas encore vous donner plus d’informations pour le moment.
Si vous aviez le pouvoir de visiter le crâne d'un autre artiste pour comprendre son génie ou lui piquer des techniques par exemple, vivant ou mort, qui choisiriez-vous et pourquoi ?
Kenji Oiwa : Leonard de Vinci. C’était un touche-à-tout lui aussi, et j’aime ce côté diversifié, c’est pourquoi j’aimerais bien savoir ce qu’il se passait dans sa tête.
Merci !
Merci à Claire Regnaut de Paris Manga et à Emmanuel Bochew, l'agent de Kenji Oiwa, pour avoir permis cette rencontre, ainsi qu'à Andy Kimura pour la traduction
GOTH © Otsuichi & Kenji Oiwa 2003 / KADOKAWA SHOTEN Publishing Co., Ltd.
99 HAPPY SOUL © OIWA Kenji /KADOKAWA SHOTEN Publishing Co., Ltd.
Assassin’s Creed® Awakening © 2014 Ubisoft Entertainment. All Rights Reserved
WELCOME TO THE N.H.K © Tatsuhiko TAKIMOTO 2004, 2007 © Kendi OIWA 2004, 2007 / KADOKAWA SHOTEN PUBLISHING CO., LTD., Tokyo